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EN ATTENDANT GODOT

Étant donné l’existence telle qu’elle jaillit…

En attendant Godot, immense classique de l’absurde de Samuel Becket a été écrit il y a plus d‘un demi-siècle déjà. À l’époque Becket venait de finir son ouvrage « Eleuthéria, » aux multiples personnages et avait envie de changer de sujet : « J’ai commencé d’écrire Godot pour me détendre, pour fuir l’horrible prose que j’écrivais à l’époque,(…), la sauvage anarchie des romans » déclara l’auteur irlandais.

Nous voilà alors avec deux personnages principaux, Vladimir et Estragon, semblant prisonniers d’un « no man’s land » et qui, en attendant un certain Godot dont on ne sait s’il viendra un jour, s’amusent à tuer le temps. ils croiseront la route de deux autres trublions, Pozzo et son « esclave penseur », Lucky.
À l’Essaïon Théâtre, c’est le metteur en scène Jean-Claude Sachot qui s’attaque à ce monument du théâtre et place les protagonistes dans un décor simple et efficace où seul un arbre, comme le voudrait la tradition scénique, occupe l’espace désert dont les acteurs vont devoir s’emparer…

L’un des plus grand défis de cette pièce repose bien évidemment sur la réussite du duo Vladimir-Estragon : autant le dire d’emblée, les deux comédiens, Philippe Catoire en Estragon et Dominique Ratonnat en Vladimir sont fabuleux ! Ils trouvent très vite leurs marques et parviennent dès les premières minutes à nous faire croire à ce lien si fort qui les unit comme s’il étaient amis depuis l’éternité !

Cette complicité trouvée, ils peuvent alors tout se permettre comme les plus grands duos comiques  : on pense à Laurel et Hardy en les voyant dans leur costumes noir et blanc ou au clown blanc et à l’Auguste. Ils créent, en s’accaparant parfaitement le texte loin d’être évident de Becket, des ruptures qui sonnent justes et jouent des mimiques sans trop en faire. Et lorsque débarquent l’autre duo, ils les reçoivent comme de nouveaux partenaires de jeu pour conjurer l’attente.

Dans le rôle de Lucky, Guillaume Van’t Hoff est hallucinant, dans le sens presque premier du terme ! Il prend le personnage comme une coquille vide, inerte et insensible et le réanime d’ une lumière quasi mystique pour le faire « penser » comme l ’ordonne brutalement son maitre, Pozzo, et lui faire dire, de manière déconcertante et survoltée, ce fameux monologue existentiel…

La mise en scène directe et pertinente permet aux acteurs de prendre vraiment tout l’espace, d’occuper les moindres recoins de cette petite scène de l’Essaïon et relève un autre grand défi  ; celui de parvenir à nous divertir alors que les personnages sont censés s’ennuyer à mourir ! Comment signifier l’attente en d’autres termes ? Ici, on ne s’ennuie jamais car le dynamisme de l’ensemble nous tient en éveil. La poésie surgit aussi sous les traits d’une marionnette représentant l’enfant envoyé par Godot ou sous un jeu de lumière subtil et finalement tout cela tend à nous faire entendre finement ce texte sublime sur l’essence de nos existences qui résonne encore et encore à notre époque actuelle.

Et il résonnera pour l’éternité, cette éternité qui enveloppe les personnages d’En attendant Godot car quoi de plus universel que se demander qui nous sommes, ce que nous faisons là et ce que nous attendons… Certains dirons Dieu (God…) et pourraient voir l’arbre du décor comme celui de la connaissance, d’autre le rien, le néant mais Becket lui-même réfute toute idée préconçue pour laisser le champ libre à notre interprétation et à notre imagination.
Courez donc chercher votre réponse dans ce « En attendant Godot » très réussi à l’Essaïon Théâtre.

En attendant Godot
De Samuel Becket
Mise en scène : Jean-Claude Sachot
Avec : Philippe Catoire, Vincent Violette ou Guillaume van’t Hoff, Jean-Jacques Nervest, Dominique Ratonnat
Du 17 Mars 2016 au 04 Juin 2016
Du jeudi au samedi à 21h30

Essaïon Théâtre
6, rue Pierre au lard (à l’angle du 24 rue du Renard) Paris 4ème
Métro : Rambuteau (ligne 11) ou Hôtel de Ville (ligne 1)
Réservations : 01 42 78 46 42 ou www.essaion.com
Crédit photo : Benoist Brione

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