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SWEET MAMBO

N’oubliez pas…

Le retour des chorégraphies de l’immense Pina Bausch et du Tanztheater Wuppertal au Théâtre de la Ville est toujours un événement. En l’occurrence il s’agit cette fois-ci du pénultième spectacle créé en 2008 par Pina Bausch et le dernier joué de son vivant. Pour cette reprise, le nom de Boris Charmatz, grand chorégraphe français apparait au générique, à la direction artistique. Rien d’étonnant puisqu’il est depuis 2022 le nouveau directeur de Tanztheater auquel il s’associe avec son collectif Terrain. À lui donc de perpétuer l’héritage de la chorégraphe allemande en faisant coïncider l’ancienne et la nouvelle génération de danseurs. Sweet Mambo intrigue d’autant plus qu’il pourrait apparaitre comme un spectacle-testament. Quelle trace Pina Bausch souhaitait-elle laisser ? Que voulait-elle nous dire encore à travers l’art dont elle est l’incontestable reine, la danse…

Sweet Mambo est un cri intérieur ; le cri de cinq femmes qui se cherchent, cherchent l’amour; en sont déçues, en sont désespérées et puis reprennent espoir… Et dès les premiers tableaux qui se succèdent, se dessinent leurs solitudes, leurs frustrations, leur insoutenable légèreté de vivre… Dans la première partie, les hommes apparaissent davantage comme des marionnettistes manipulant l’objet du désir par tous les biais, les suspendant en l’air ou les tirant par  les cheveux ou par leurs robes…

sweet mambo 3Photo :  Ursula Kaufmann

Mais ces femmes qui s’apprêtent et se rendent jolies, cassent parfois l’image en se livrant dans une danse solo où leurs forces se dévoilent ou en prenant le spectateur à témoin. L’humour comme toujours n’est jamais loin et il surgit dans des apartés drolatiques comme ceux d’une figure historique de la troupe, Nazareth Panadero, irrésistible.

Teaser Sweet Mambo

Et avec une infime poésie et une exquise subtilité, se met en branle tout ce qui fait l’essence des spectacles de Pina Bausch. Les méandres de nos fors intérieurs se déclinent sur le plateau dans une mise en scène d’une beauté renversante. Tout est épuré, tout est aérien. Seuls quelques rideaux voilés, comme simple décor, accompagnent les respirations et les aspirations des danseurs ou les emprisonnent tour à tour comme des vagues hypnotisantes que la bande originale, démente, vient sublimer. Et de temps à autres, un extrait d’un film allemand des années trente passe en fond de scène et renvoie à la superbe esthétique vestimentaire de ce mambo chaloupé…

Sweet Mambo 2Photo :  Ursula Kaufmann

C’est un battement de coeur permanent et une plongée dans l’âme humaine d’une rare profondeur que nous livrent Pina et sa troupe. Les hommes finissent aussi par partager la solitude des femmes et leurs espoirs en les transcendant par de magnifiques solos. L’ancienne génération se raconte dans des anecdotes de tournée et rejoint les nouveaux pour parler d’une seule voix. « N’oubliez pas » dit chacun d’entre eux.

Les danseurs dansent d’un seul pas dans cet opus, éperdument. Et ça danse comme jamais, comme une urgence, comme une nécessité, comme une libération. La célèbre citation de Pina Bausch n’a jamais été aussi vraie : « Dansez, dansez, sinon nous sommes perdus ». C’est bien simple en sortant de Sweet Mambo, on entend une voix qui nous susurre  : « Je m’appelle Pina. N’oubliez pas ». Non, nous n’oublions pas.

SWEET MAMBO
TANZTHEATER WUPPERTAL+TERRAIN

Mise en scène & chorégraphie :  Pina Bausch

Avec : Andrey Berezin, Naomi Brito, Daphnis Kokkinos, Alexander López Guerra / Reginald Lefebvrel, Nazareth Panadero, Héléna Pikon, Julie Shanahan, Julie Anne Stanzak, Aida Vainieri (invités)

Décor & vidéo Peter Pabst / Costumes Marion Cito / Collaboration musicale Matthias Burkert, Andreas Eisenschneider / Collaboration Marion Cito, Thusnelda Mercy, Robert Sturm / Assistante décor Gerburg Stoffel / Assistante costumes Svea Kossak / Direction artistique de la recréation Alan Lucien Øyen / Direction des répétitions Azusa Seyama, Robert Sturm / Musique Barry Adamson, Trygve Seim, Gustavo Santaolalla, Hope Sandoval, Portishead, Lucky Pierre Hazmat Modine, Jun Miyake, Mecca Bodega, Cluster & Eno, Lisa Ekdahl, Mari Boine, René Aubry, Mina Agossi, Ian Simmonds / Direction artistique Tanztheater Wuppertal Pina Bausch + terrain Boris Charmatz

Jusqu’au 7 mai 2024 / Mardi au lundi à 20h / Relâche : mercredi et dimanche

Théâtre de la Ville
2 place du Châtelet  Paris 4
Métro : Châtelet (ligne 4 ou 1)
Réservations : 01 4 2 74 22 77 ou www.theatredelaville-paris.com

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