Call me
Encore une histoire d’amour est une pièce anglaise de l’auteur Tom Kempinski à qui on doit entre autres Duo pour violon seul. C’est d’ailleurs dans cette pièce qu’aimerait jouer l’une des protagonistes, Sarah, comédienne, partiellement paralysée lorsqu’elle reçoit le texte envoyé par les soins du second personnage, Joe, écrivain en panne d’inspiration, agoraphobe et boulimique. ils vont alors passer des heures entières pendus au téléphone car l’Atlantique les sépare.
Lui est en Angleterre, elle aux Etats-Unis et de leurs conversations à distance, une amitié va naitre et peut-être encore une histoire d’amour…
Mais revenons à la base du projet qui mérite d’être racontée : Ladislas Chollat, le metteur en scène avait déjà eu un coup de foudre pour la pièce et pour celui qui l’avais mis en scène au Théâtre de la Criée, Gildas Bourdet. C’est après vu son travail, alors lycéen à l’époque, qu’il deviendra son assistant et rencontrera l’une de ses actrices, Elodie Navarre. Il va lier d’amitié avec l’un comme avec l’autre et bien des années plus tard, alors qu’il cherche avec Elodie Navarre une nouvelle pièce, Gildas Bourdet va lui souffler l’idée de remonter Encore une histoire d’amour avec l’excellente adaptation française de Jean-Claude Grumberg. Mais ce sera à sa manière cette fois-ci. C’est donc une véritable et belle histoire d’amitié qui fait naitre cette nouvelle mise sen scène…
Sur le plateau, l’évocation d’une chambre, d’un salon, d’un bureau… Nous sommes sans conteste dans un appartement ou plutôt dans deux appartements puisque le décor se métamorphose selon son propriétaire : un coup chez l’auteur, un coup chez la comédienne mais très vite on s’aperçoit que les deux lieux vont s’entremêler.
Des vidéos et des écrans numériques servent de fenêtres extérieures, de meubles de fond ou de télévision.
C’est dans cet espace entre modernité et confort du quotidien que les deux acteurs vont évoluer et surtout réussir un exploit rarement vu au théâtre.
En effet, la mise en scène osée de Ladislas Chollat va en quelque sorte les forcer à être tous les deux sur le même plateau tout en étant à des milliers de kilomètres au téléphone ! On assiste alors à une étrange chose : ils se frôlent, dos à dos ou côte à côte, et pourtant, magie du théâtre, ils parviennent à nous convaincre de leur éloignement grâce, certes, à cette mise en espace finement travaillée mais aussi grâce au formidable jeu d’acteur qu’ils déploient. Tout en assumant leur présence physique, ils ne se regardent jamais dans les yeux et même mieux ils arrivent à se voir à travers l’autre ou par-dessus l’autre ; un exercice ô combien difficile pour des acteurs et qui tient ici à leur incroyable performance.
Mais au-delà de cet aspect, il y a aussi leur personnage, à chacun, qu’ils campent parfaitement: Thierry Godard est éblouissant en écrivain obèse allant jusqu’à la transformation physique et vestimentaire pour composer ce Joe mal dans sa peau qui saura se défaire de tous ces poids le moment voulu. Par un jeu concret, animal, instinctif, il est un peu la « Bête » de Perrault » lorsque parfois il sort des ses gonds.
Quant à la belle, Elodie Navarre, elle est touchante de délicatesse et provoque l’émotion, pas seulement par l’infirmité de Sarah, mais par une véritable justesse de jeu qui nous laisse entrevoir ses doutes de comédienne, sa fragilité et sa volonté à la fois. Tous deux se complètent parfaitement derrière ce téléphone-miroir où chacun voit dans l’autre, le reflet de ses propres failles. Des failles qui vont les rapprocher mais aussi nous émouvoir ou nous faire rire.
Et pour savoir s’ils finissent par raccrocher le téléphone et par se rencontrer réellement, il ne vous reste plus qu’à courir voir Encore un histoire d’amour au Studio des Champs-Élysées, un beau conte moderne qui vous transportera littéralement.
Encore un histoire d’amour
De Tom KEMPINSKI
Texte français de Jean-Claude GRUMBERG
Mise en scène : Ladislas CHOLLAT
Avec Elodie NAVARRE et Thierry GODARD
Assistant à la mise en scène : Jeoffrey BOURDENET / Décor : Emmanuelle ROY / Costumes : Christiane CHOLLAT et Doby BRODA / Lumières : Alban SAUVE / Création vidéo : Nathalie CABROL
Jusqu’au 02 juillet 2016
Du mardi au samedi à 20h30 / Matinée le samedi à 16h
Studio des Champs-Élysées
15, av Montaigne PARIS 8ème
Métro : Alma-Marceau (ligne 9) ou Franklin Roosevelt (ligne 1)
Réservations : 01 53 23 99 19 ou www.comediedeschampselysees.com
Crédit photo : L. Lesourd