Visuel principal_Nulle part est un endroit_Crédit Thomas Bohl

NULLE PART EST UN ENDROIT

Artiste associée aux Hivernales-Centre de Développement Chorégraphique National d’Avignon, Nach, une des figures de proue du mouvement Krump, a présenté au théâtre 14, dans le cadre du Festival d’Automne, une conférence dansée. Le Krump est une danse née dans les années 2000 dans les quartiers pauvres de Los Angeles. En apparence agressive, elle est avant tout le moyen de revendiquer et de canaliser -de façon positive- une colère liée aux injustices subies par la communauté noire américaine. En 2005, David Lachapelle sort le film « Rize ». Nach, de son vrai nom Anne-Marie Van, le voit et pour elle, rien ne sera plus jamais comme avant.

La scène s’ouvre sur la projection d’extraits de « Rize ». Musique urbaine, images de corps puissants, véloces ; images de battles. Tout cela paraît très guerrier, agressif. Puis la lumière monte et une jeune femme vient se placer au centre du plateau. Elle nous parle d’une voix douce, claire, qui contraste avec les images que nous venons de voir. Elle se présente : Nach. Et les images que nous venons de voir sont des images de Krump. S’ensuit une conférence théâtralisée et dansée de 45 minutes où la chorégraphe, à l’aide de son ordinateur placé sur le coté de la scène,  nous explique les fondamentaux du Krump : territoires, stomps, chess-pops, battles. De façon très ludique et non sans humour, elle nous invite dans son royaume, nous en explique les règles, les rites de passages.
A ce didactisme bienvenu, illustrés par quelques moments dansés d’une félinité et d’une virtuosité à couper le souffle ( moments suspendus. On aimerait en voir plus !) s’ajoutent des images qui nous présente le parcours de la danseuse. Entre les couloirs du métro à la Défense, le toit du décathlon à Montreuil et les chemins montagneux du Japon ou ceux du Sénégal, se dessine alors, peu à peu, la carte d’un cheminement intérieur, d’une maturation de ce qui va faire accéder Nach, au rang d’artiste, elle qui au départ ne pratiquait le Krump que pour son loisir. C’est en sortant du cadre, en s’affranchissant des codes, que la chorégraphe densifie son propos, sa grammaire corporelle. Elle métisse sa danse et créé des ponts entre les cultures, tout en les constatant de facto. Paradoxalement, en s’éloignant du milieu du Krump, en poursuivant sa quête, elle répond alors incontestablement à ce que désigne nommément le K.R.U.M.P : Kingdom Radicaly Uplifeted Mighty Praise. Littéralement : une « élévation du royaume par le puissant éloge ».  Soit : une célébration de la vie. Avec elle, tout est sujet à partage, à apprentissage.  « Nulle part est un endroit » nous dit-elle. Ou comment, en un titre, expliciter avec affirmation, simplicité et poésie la transformation : celle de quelque chose de négatif en positif. Ici ou ailleurs, on est chez soi puisqu’on est présent à la vie, perméable à l’altérité, à la métamorphose. Ce que nous dit Nach en filigrane, c’est que le Krump n’est pas seulement une danse, c’est aussi une philosophie de vie où la construction d’une identité -qu’elle soit artistique ou autre- ne peut se faire qu’en sortant de chez soi, du cercle ; en allant à la rencontre de. On ne se construit qu’avec l’étranger, qu’avec l’Autre. Et, en cela, cette identité est en perpétuel mouvement. Rien n’est figé, tout est matière à s’élever davantage. Ainsi le parcours de Nach nous propose une formidable leçon d’humanité et d’humanisme.
On ressort de cette conférence ému, gonflé à bloc et prêt à croquer la vie. Merci Madame !

Nulle part est un endroit.
Conception et interprétation : Nach
Crédit photo : Thomas Bohl
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Production : Nach Van Dance Company. Coproduction : Espaces Pluriels (Pau).
En tournée 2022-23

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