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NOS SERMENTS

Les âmes flottantes…

Comment raconter sur scène nos petites histoires de couples, la place qu’elles prennent dans nos vies et surtout démontrer qu’aussi petites soient-elles, elles nous déterminent pourtant et nous questionnent sur notre existence même, notre utilité dans ce monde, sur ce vide ou ce rien qu’il faudrait combler à tout prix.

C’est le propos dont se saisit la metteure en scène Julie Duclos qui semble s’inscrire dans une sorte de nouvelle vague du théâtre français avec des jeunes metteurs en scène comme Julie Deliquet, bien ancrés dans leur temps et qui s’intéressent à disséquer la profondeur des êtres ambigus que nous sommes par un traitement quasi anthropologique comme si nos tumultes du quotidien étaient transportés intacts sur la scène ! Un exercice ô combien difficile qu’on a pu voir réussi chez Pommerat par exemple.

Mais Julie Duclos n’a pas à rougir devant cette référence incontournable car Nos serments non seulement parvient parfaitement à nous plonger dans l’authenticité des personnages comme si nous regardions nos voisins par le trou de la lorgnette mais va encore plus loin dans cette quête existentialiste.

Déjà parce que la mise en scène s’appuie sur un texte subliment écrit par Julie Duclos elle-même et Guy-Patrick Sainderichin, scénariste, et qui s’inspire très librement de « La maman et la putain » de Jean Eustache. Un chef d’oeuvre du cinéma français qui décrit si bien et si nonchalamment les vicissitudes amoureuses d’Alexandre.
Ici, Alexandre devient François qui ne travaille pas et cultive la philosophie du rien : d’abord étouffé par une première petite amie ultra possessive lui faisant de véritables crises d’hystérie puis libéré avec Esther qui accepte sa rencontre avec une autre femme pour pouvoir le garder. Seulement voilà, ce triangle amoureux peut s’avérer fatal pour le couple et la séparation plane indubitablement.

Voilà le synopsis posé et si on peut parler de synopsis c’est parce que l’autre grande force de la mise en scène de Julie Duclos c’est tout simplement de faire au théâtre… du cinéma ! Sur le plateau, un salon reconstitué comme pour un tournage ; tout y est  : cloisons ouvertes, éclairages, décor réaliste (…) mais il n’y a pas de caméra. Et c’est évident puisque la caméra…c’est nous !

On assiste alors à des plans séquences qui se succèdent, les noirs faisant office de clap et on se délecte du jeu des comédiens d’un naturel si déconcertant et si juste qu’il n’est nul besoin de refaire une prise ! Et la mise en abime cinématographique ne s’arrête pas là : un écran au fond du décor permet d’enchaîner sporadiquement  des scènes extérieures aux scènes d’intérieur en diffusant les confessions des personnages ou des séquences dans la rue.

Mais il ne faut pas s’y tromper, nous sommes bien là au théâtre, dans une nouvelle forme formidablement maitrisée qui non seulement rend hommage aux grands cinéastes de la nouvelle vague mais réinvente une autre manière de jouer l’intime, d’être sur scène et de faire parvenir l’émotion au spectateur. Un travail d’orfèvre magistral et sensible qu’il faut absolument aller découvrir au Théâtre de la Colline.

Nos serments
Texte : Guy-Patrick Sainderichin et Julie Duclos
(très librement inspiré par le film La Maman et la Putain de Jean Eustache)
Mise en scène : Julie Duclos
Avec: Maëlia Gentil, David Houri, Yohan Lopez, Magdalena Malina, Alix Riemer et la participation de Vanessa Larré / Scénographie : Paquita Milville / Lumières : Jérémie Papin / Vidéo: Émilie Noblet / Son : Pascal Ribier / Costumes : Lucie Ben bâta et Marie-Cécile Viault
Jusqu’au 22 avril 2016
Le mardi à 19h / Du mercredi au samedi à 20h / Le dimanche à 16h

Théâtre de La Colline
15, rue Malte-Brun, Paris 20e
Métro : Gambetta (ligne 3 ou 3 bis)
Réservations : 01 44 62 52 52 ou www.colline.fr

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