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LES NOCES DE BETÌA

La renaissance de Ruzante…

Comment ça ? Vous ne connaissez pas Angelo Beolco dit Ruzante, écrivain, dramaturge et acteur italien du XVIe siècle et bien voilà une occasion parfaite de le découvrir. La compagnie RL et son metteur en scène René Loyon s’attaquent à cet auteur souvent méconnu et peu monté du répertoire classique italien. D’ailleurs la compagnie, avec Les noces de Betìa, signe une première création en France. Pour se faire une petite idée, voilà ce que Dario Fo disait de lui : « Un extraordinaire homme de théâtre de ma terre, peu connu… même en Italie. Mais qui est sans aucun doute le plus grand auteur de théâtre que l’Europe ait connu pendant la Renaissance avant l’arrivée de Shakespeare ». 

Car oui, il est nécessaire de replonger dans cette période riche et prolifique en tous arts, où on tente de se défaire quelque peu des idées sombres de l’obscurantisme, de renaître à un certain humanisme, de s’éclairer l’esprit et d’élargir l’horizon… C’est exactement ce que Ruzante va faire dans son oeuvre et en particulier dans cette comédie rurale, Les noces de Betìa, écrite à l’âge de 22 ans et qui met à priori l’amour au centre des débats. Dans un village de la région de Padoue, la jeune Betìa est courtisée par un amoureux transi Zilio et par un coureur de jupons, Nale. Enlèvement de la belle, restitution forcée, querelles, réconciliations suivies de coups et blessures mettent en émoi tout le village…

Bien loin des marivaudages dont nous sommes coutumiers, c’est une plongée vertigineuse et sans filets dans l’univers brut et terrien de Ruzante que nous propose la compagnie RL. Et l’amour ou le sentiment amoureux, un des sujets de prédilection de René Loyon qu’il sait si bien maîtriser, va apparaître ici avec un visage inhabituel ! En choisissant judicieusement un plateau quasiment nu et en exploitant les avantages de cette très belle salle en pierre du Théâtre de l’Épée de Bois, le metteur en scène fait la part belle aux acteurs, à la langue incroyable qui va jaillir de leurs répliques et aux situations rocambolesques qui vont s’enchaîner. Il met ainsi en lumière l’incroyable vivacité  et  la jouissance  que le texte insuffle.

On peut être très surpris au premier abord par le langage cru et souvent scatologique qui nous saute aux oreilles et puis on s’habitue très vite car il colle parfaitement à ce monde rural qui est dépeint et crée un sentiment de liberté, de lâcher prise. Il faut dire que la superbe traduction de Claude Perrus y est pour beaucoup. Dès le départ, les comédiens donnent le ton, en campant des personnages hauts en couleurs, très dessinés, allant puiser du côté de la farce et de la commedia sans pour autant perdre de leur sincérité. Charly Breton, pour exemple, joue de son corps en incarnant un Zilio disloqué et maladroit, une sorte de « Pierre Richard » de l’époque !

Et une fois les ingrédients de cette comédie mis en place, on se laisse alors furieusement embarquer dans un tourbillon de scènes insensées, imprévisibles et hilarantes. C’est là le génie de Ruzante, qui par une histoire qui parait plutôt simple, nous balade à son gré et déstabilise le spectateur. L’humour et la dérision sont à chaque coin de réplique, Ruzante se moque des superstitions de ses pairs (tout comme Rabelais, son contemporain), de certains textes religieux ou même de philosophes antiques…  Et comme un grand enfant qui s’amuse de tout, il tord le cou au sentiment amoureux qui triture l’âme et ouvre grand les portes au plaisir charnel et à la liberté de jouir de son corps.

Une transgression qui fait un bien fou ! Surtout lorsque le champ des possibles qu’inspire cette pièce offre à la compagnie RL un terrain de jeu qu’elle semble occuper avec une grande jubilation ; comme cela se ressent dans cette proposition vivante, enlevée et entraînante ! Ruzante peut renaître tranquillement ! À découvrir très vite à l’Épée de Bois.

Les Noces de Betìa
De Ruzante
Traduction : Claude Perrus – Editions Circé
Mise en scène : René Loyon
Avec : Charly Breton (Zilio), Maxime Coggio (Nale), Titouan Huitric   ( Bazarello, Meneghello), Yedwart Ingey (Le père Scati, Tazίo), Olga Mouak (Betίa), Marie-Hélène Peyresaubes (Dame Menega), Lison Rault (Tamίa) / Dramaturgie : Laurence Campet / Lumières : Jean-Yves Courcoux / Direction technique : François Sinapi / Régie : Jean-Louis Portail
Du 7 septembre au 15 octobre 2017
Jeudis, vendredis à 20h30 / Samedis à 16h et 20h30 / Dimanches à 16h  www.compagnierl.com

Théâtre de l’Épée de Bois
(Salle en pierre)
Cartoucherie – Route du Champ de Manœuvre  Paris 12ème
Métro : Ligne 1 (Château de Vincennes) puis prendre bus 112, (arrêt Cartoucherie) ou la navette Cartoucherie
Réservations :01 48 08 39 74 / www.epeedebois.com

© Nathalie Hervieux

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