berliner-683-web_0

LE SUICIDÉ

Ich bin ein Berliner Ensemble ! 

Il y a parfois au théâtre des rencontres magiques, entre artistes, qui produisent un petit miracle. Voilà ce qui s’est passé à la première de Le Suicidé au TGP, entre le metteur en scène et directeur du théâtre Jean Bellorini et la célèbre troupe du Berliner Ensemble, troupe allemande avec laquelle il est parti travailler, à leur demande, l’hiver dernier. Une troupe qu’on a pris l’habitude de voir régulièrement à Paris sous la direction de Bob Wilson encore récemment dans Faust I et II au Châtelet et bientôt dans L’Opéra de Quat’sous. 

C’est donc un véritable défi qui est proposé à Jean Bellorini qui choisit la pièce incroyablement drôle et subversive de Nicolaï Erdman écrite en 1928 soit peu de temps après la révolution russe et qui croque avec délice tous les travers d’une société toute neuve qui peine encore à se trouver… C’est l’histoire d’un chômeur, Sémione Sémionovitch, qui va découvrir un peu par accident que sa vie prend soudain de l’importance quand il évoque son possible suicide ! D’abord, auprès de sa femme et de sa belle-mère, paniquées, mais aussi pour les représentants fantoches de cette fameuse société russe (l’intelligentsia, le commerçant, le prolétaire, le défenseur de l’art ou la gardienne du corps…) qui tels des vautours autour d’une charogne, vont vouloir s’approprier cette mort pour leur propre et juste cause ! Cette caricature par Nicolaï Erdman de la Russie de l’époque sera très mal vue par le pouvoir qui interdira la pièce jusqu’en 1987…

Nous allons alors assister dans un décor d’escaliers métalliques qui s’entrechoquent, de panneaux mouvants et de portes singulières à une course folle extraordinairement bien orchestrée jusqu’au dénouement final. On reconnait la patte et l’univers de Bellorini à travers la présence évidente de musiciens, la modernité des costumes pour cette famille pauvre en « sportswear », la mise en hauteur et en couleur du décor et des personnages, cette liberté scénographique qu’il prend toujours pour créer des espaces et des points de chute. Et pourtant cette rencontre germano-française semble l’avoir amener dans des endroits différents et agréablement surprenants de son travail. Sa poésie habituelle se revêt ici d’un masque burlesque, d’une effronterie et d’un humour caustique inédits.

Naturellement, cela est du au texte d’Erdman mais surtout, il faut le dire, à la puissance de jeu, intense, des comédiens du Berliner. Ils sont tout simplement fabuleux du rôle principal, Sémione, campé magistralement par un Georgios Tsivanoglou savoureusement hilarant, naturel et à l’aise jusqu’aux petits rôles qui débordent d’une telle générosité ! Tous le comédiens respirent à l’unisson, ce qui donne des scènes mémorables comme celle du banquet, qui accompagnée de la musique et de chants russes, donne un aperçu du talent indéniable et multiforme du Berliner Ensemble. Et quand Sémione se met à chanter « Creep » de Radiohead en se baladant sur sur la table, c’est tout simplement la cerise sur le gâteau !

C’est finalement bien la rencontre de la force créatrice de Bellorini avec le formidable potentiel du Berliner qui va sublimer l’oeuvre de Nicolaï Erdman et nous faire parvenir brillamment cette critique amère des pans de la société russe, cette dénonciation de l’establishment, cette prise de conscience d’un pays face à ses contradictions… Le suicidé au TGP c’est tout simplement du bonheur à l’état pur !

Le suicidé
De Nicolaï Erdman
Mise en scène : Jean Bellorini
Avec la troupe du Berliner Ensemble : Carmen-Maja Antoni, Annemarie Brüntjen, Anke Engelsmann, Ursula Höpfner-Tabori, Hanna Jürgens, Michael Kinkel, Matthias Mosbach, Joachim Nimtz,
Luca Schaub, Martin Schneider, Veit Schubert, Felix Tittel, Georgios Tsivanoglou et les musiciens Philipp Kullen (batterie), Timofey Sattarov (accordéon) / Assistanat à la mise en scène et costumes : Camille de La Guillonnière / Dramaturgie : Dietmar Böck, Miriam Lüttgemann / Lumière : Jean Bellorini, Ulrich Eh
Jusqu’au 16 octobre 2016 / Surtitré de l’allemand en français
Jeudi, vendredi et samedi à 20h / Dimanche à 15h30

Théâtre Gérard Philippe (TGP)
59, boulevard Jules-Guesde 93 200 Saint-Denis
Métro : Saint-Denis Basilique (ligne 13 ) ou Saint-Denis (RER D ou ligne H)
Réservations : 01 48 13 70 00 ou sur www.theatregerardphilipe.com
Crédit Photo : Guillaume Chapeleau

Partager :

FacebookTwitterTumblr


Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *