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LAURENCE CÔTE DANS « UN MOIS À LA CAMPAGNE »

Si vous ne connaissez pas encore Laurence Côte alors révisez vos classiques ! Après une formation de théâtre, c’est au cinéma qu’elle débute véritablement sa carrière en tournant tout simplement avec les plus grands : Rivette, Godard, Doillon, Desplechin ou encore Téchiné. C’est avec ce dernier dans le film « Les Voleurs » et aux côtés de Catherine Deneuve et de Daniel Auteuil qu’elle décroche le César du meilleur espoir féminin.  On la retrouvera entre autres par la suite dans le film et la série « Nos enfants chéris » réalisés par Benoît Cohen avant qu’elle ne se mette elle-même à la réalisation. Mais c’est aujourd’hui la femme de théâtre que Le Coryphée a choisi de rencontrer ; celle qui a été mise en scène par Chéreau, Éric-Emmanuel Schmitt, de nouveau Rivette et qui a monté Tchekhov ou encore Israël Horovitz. La voilà actuellement au Théâtre Déjazet dans « Un mois à la campagne » de Tourgueniev aux côtés entre autres de la délicieuse Anouk Grinberg. Dans une mise scène surprenante, rythmée et moderne d’Alain Françon et avec des partenaires en pleine forme ; elle y incarne avec beaucoup de justesse et une présence hypnotique Lizaveta Bogdanovna, amie de la famille, gouvernante et confidente à la fois, témoin privilégiée des amours contrariés avant que l’amour ne vienne la cueillir elle aussi. Elle nous parle de cette aventure théâtrale. 

C’est la première fois que vous êtes mise en scène par Alain Françon, comment s’est faite la rencontre ?

L.C : En fait, j’ai eu la chance de rencontrer Alain Françon grâce à Anouk Grinberg avec qui j’avais tourné, qui avait vu l’un de mes courts-métrages et aussi mes mises en scène de Tchekhov. Le rôle de Lizaveta avait été proposé à une autre comédienne qui n’était pas libre et elle a tout de suite pensé à moi. Ensuite Alain Françon m’a rencontré, je lui ai proposé de faire une lecture mais il a décliné en me faisant entièrement confiance sur le rôle. Je trouve que c’est assez rare dans nos métiers, où il faut souvent faire des essais pour la moindre phrase, qu’une amie comédienne et un metteur en scène vous portent comme cela.

Est-ce que vous connaissiez cette pièce avant de la jouer, son auteur et comment vous la décririez ?
L.C : J’en avais vu une mise en scène mais je la connaissais à peine tout comme l’auteur dont j’avais lu quelques nouvelles. J’ai senti l’influence qu’a pu avoir Tourgueniev sur le jeune Tchekhov puisqu’il le précède surtout avec cette pièce qui a été interdite et qui est devenue une œuvre majeure du théâtre russe. Je dirais que c’est une pièce où en apparence il ne se passe rien mais qui au final nous éclaire sur qui on est… Il y a quelque chose qui traverse les personnages et qui remet tout le monde en place. La seule histoire d’amour qui marche en quelque sorte c’est celle de mon personnage avec le docteur sinon tout le monde part et une certaine tristesse s’installe…

Alors c’est intéressant que vous parliez de tristesse parce qu’on rit beaucoup en tant que spectateur, à travers les apartés très appuyés, les entrées et les sorties rythmées, ce changement permanent d’émotions, on pense à la légèreté d’un Labiche ou d’un vaudeville. Comment expliquez-vous cela ?
L.C
 : Ҫa passe déjà je pense par la traduction de Michel Vinaver, très poétique et avec des répliques cinglantes. Alain Françon n’a pas du tout travaillé cette pièce pour qu’elle soit drôle mais il nous a souvent dit qu’on pourrait être surpris, que les gens pouvaient rire à certains moments. Ce rire est probablement provoqué par les spectateurs qui se retrouvent dans les personnages, par l’interprétation et le rythme et aussi par des situations où on passe en quelques secondes d’un état à un autre. Il y a quelque chose de la tragi-comédie malgré tout car tout le monde ou presque finit seul. Natalia (Anouk Grimberg) est une sorte de Phèdre amoureuse d’un jeune homme, un amour impossible, et qui considère l’amour comme une maladie en demandant au docteur de la soigner ! Et en même temps, je dirais qu’on est davantage dans les sentiments comme chez Marivaux, un peu dans la cruauté, l’élégance et la remise en question des personnages qui s’analysent en permanence.

un mois a la campagne photo

Comment s’est déroulé le travail sur le plateau avec Alain Françon ? Est-ce que cela passe par des improvisations par exemple ?
L.C 
: Pas du tout, avec Françon le texte doit être su dès les premières répétitions. Pour lui, le rôle principal c’est le texte avant tout. Qu’est-ce qui se dit ? Qu’on entende le texte… Puis il vous laisse assez libre en nous mettant en garde contre un état général ou une humeur dans laquelle on pourrait s’enfermer : c’est ce qui amène une diversité dans leur état, à tous ces personnages.

Et justement par rapport à votre personnage, Lizaveta, comment vous l’avez appréhendé ? Elle semble très en écoute et pourtant on peut lire clairement ces émotions sur son visage. Et on sent chez elle la même pointe de modernité qu’il y a dans une partie du décor, elle porte même des lunettes de soleil par exemple ?
L.C : Oui, les lunettes de soleil c’est une idée de la costumière, moi j’ai inventé la natte pour mieux la dessiner. Pour ce qui ce qui est du rôle, Alain Françon nous demandait de ne jamais tomber dans les clichés. Quand Lizaveta est inquiète, il faut qu’elle le soit vraiment, qu’elle ne prenne la décision de partir qu’au dernier moment. Jusqu’au bout, on ne doit pas savoir ce qui se passe, ne pas trop annoncer les choses, être au moment présent tout le temps. Mon personnage appartient à la maison, c’est la confidente de la mère, plutôt présente avec les gens de sa nature ; elle est stricte dans la maison et plus détendue dans le jardin avec ces gens de son milieu… C’est vrai qu’elle est beaucoup à l’écoute même dans la scène de demande en mariage avec le docteur (Philippe Fretun) mais toujours dans la sincérité, touchée par l’honnêteté de cet homme. On a découvert avec les spectateurs que cette scène faisait beaucoup rire ! Mais avec Françon rien n’est laissé au hasard, on travaille avec précision son personnage jusqu’à la fin. Et même après le début des représentations, il m’a encore donné de très précieux conseils…

Un mois à la campagne
D’Ivan Tourgueniev
Traduction aux éditions de l’Arche : Michel Vinaver
Mise en scène : Alain Françon
Avec : Nicolas Avinée ( Alexeï Nicolaïtch Beliaev), Jean-Claude Bolle-Reddat (Athanase Ivanovitch Bolchintsov), Laurence Côte (Lizaveta Bogdanovna), Catherine Ferran (Anna Semionovna Islaïeva), Philippe Fretun (Ignace Illitch Chpiguelski-le docteur), Anouk Grinberg (Natalia Petrovna), India Hair (Vera Alexandrovna), Micha Lescot (Mikhaïl Alexandrich Rakitine), Guillaume Lévêque (Arkady Serguïeitch Islaïev) et en alternance Thomas Albessard, Quentin Delbosc-Broué, Anton Froehly (Kolia) / Décor : Jacques Gabel / Costumes : Marie La Rocca / Lumières : Joël Hourbeigt / Musique : Marie-Jeanne Séréro / Création son : Léonard Françon / Création coiffures et maquillages : Cécile Krestschma
Jusqu’au 28 avril 2018
Du lundi au samedi à 20h30. Relâche le dimanche.

Théâtre Déjazet
41 boulevard du temple Paris 3ème
Métro : République (lignes 3, 5, 8, 9 et 11)
Réservations : 01 48 87 52 55 / www.dejazet.com
Crédit Photo : Michel Corbou

 

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