L'ADVERSAIRE © Serge Périchon 0832

L’ADVERSAIRE

La vie est un théâtre

L’Adversaire s’inspire du roman éponyme d’Emmanuel Carrère publié en 2000. Le spectacle retrace le chemin d’écriture du livre, ce qui implique une réflexion sérieuse sur son objet à savoir : l’assassinat perpétré par Jean-Claude Romand de sa femme, ses enfants et ses parents en 1993. Outre le fait de s’interroger sur les causes d’un tel acte et sur une supercherie qui a tenue près de vingt ans, la pièce interroge sur la fascination que peut exercer certaines personnes sur d’autres allant jusqu’à une aliénation complète de ces dernières.

Le 9 janvier 1993, Jean-Claude Romand tue sa femme, ses enfants et ses parents puis tente de mettre fin à ses jours, en vain. L’enquête qui sera menée mettra en évidence que cet homme fit croire à son entourage pendant près de vingt ans qu’il était médecin. Sa vie entière était bâtie sur un mensonge. Pendant toutes ces années, personne de son entourage ne se douta de l’imposture ; personne ne découvrit le pot-aux-roses alors qu’un coup de téléphone à son employeur aurait suffit à démanteler l’affabulation. Comment cela a-t-il pu arriver ?

On se rend compte ici que plus le mensonge est énorme et plus cela marche. Quand une situation nous paraît totalement invraisemblable, on ne peut pas croire qu’elle soit réelle et donc, paradoxalement, on adhère à la supercherie, on l’alimente même, quitte à être dans le déni le plus total. La frontière entre la fiction et la réalité est très mince et au bout du compte, la fiction est la réalité. Nous sommes donc en plein théâtre. Nous sommes dans le « mentir vrai », processus bien connu de tout acteur digne de ce nom. Amener sur une scène cette histoire pourrait paraître redondant. Pourtant Frédéric Cherboeuf parvient à prendre la distance nécessaire et à mettre en évidence la folie de cette histoire en la confrontant aux procédés dramatiques et théâtraux. Dépouillée, mise à nue de sa théâtralité par une scénographie qui juxtapose plusieurs niveaux de représentation, l’histoire nous apparaît alors comme une vulgaire manipulation commise par un psychopathe. On comprend que la vacuité qui ronge l’entourage de Romand a fabriqué des proies faciles, avides de rêves, de promesses qui alimenteront une crédulité allant jusqu’à la folie. C’est là que réside le tour de force de ce spectacle. Si la responsabilité de Romand est bel et bien avérée, son entourage n’a t-il pas lui aussi une part de responsabilité, n’a-t-il pas nourri le monstre ? Le spectacle nous entraine dans une vaste réflexion sur les faux semblants, où les comédiens incarnant plusieurs rôles s’amusent à brouiller les pistes : qui est qui ? où les spectateurs, affranchis du quatrième mur se retrouvent eux-aussi acteurs du drame qui se jouent devant eux. C’est précis, efficace et haletant. Un beau moment de théâtre.

L’Adversaire d’après Emmanuel Carrère

Mise en scène : Frank Cherboeuf

Avec Vincent Berger, Camille Blouet, Frédéric Cherboeuf, Gretel Delattre, Jean de Pange, Maryse Ravera, Alexandrine Serre.

Du 16 au 26 mars 2016. Du mardi au jeudi à 20h/ vendredi et samedi à 19h/ dimanche à 16h

Théâtre Paris Villette

211 avenue Jean Jaurès

75019 Paris (M° Porte de Pantin ligne 5)

Réservation : 01 40 03 72 23

http://www.theatre-paris-villette.fr

Du 29 mars au 8 avril 2016. Mardi, mercredi, vendredi à 20h/ jeudi à 19h/ samedi à 18h/ dimanche à 16h

Théâtre des Quartiers d’Ivry

Studio Casanova

69 avenue Danièle Casanova

92400 Ivry sur Seine ( M° Mairie d’Ivry Ligne 7)

Réservation : 01 43 90 11 11

http://www.theatre-quartiers-ivry.com

 

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