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NOTRE CRÂNE COMME ACCESSOIRE

Quelle place pour le théâtre ?

Le metteur en scène Igor Mendjisky et sa compagnie Les Sans Cou s’emparent ici d’un des sujets les plus exaltants et des plus difficiles à traiter au théâtre, le rôle même que le théâtre joue dans la société et en l’occurrence en tant de guerre !

En s’inspirant librement du Théâtre ambulant Chopalovitch de Lioubomir Simovitch qui raconte l’histoire d’un troupe qui s’installe dans une petite ville serbe sous l’occupation nazie et dont les habitants se soucient davantage à préserver leurs vies qu’à aller voir du théâtre, la compagnie Les Sans Cou pose la question essentielle de l’utilité du théâtre et de ses acteurs : faut-il continuer à divertir et à cultiver le peuple ? Ou faut-il y renoncer et faire tomber le rideau ?

Et l’une des grandes ingéniosités de la mise en scène d’Igor Mendjisky pour répondre à ces questions est de s’être approprié le sujet comme si cela pouvait se passer en ce moment même, en ce temps de crise, dépressif et sombre que nous traversons, en ce moment de terreur terroriste qui réussit un temps à vider les théâtres. La troupe raconte alors aussi son histoire, joue de la mise en abime avec subtilité pour instaurer dès le départ une complicité maligne avec le public  comme si elle pouvait s’arrêter de jouer à tout moment dans ce Théâtre des Bouffes du Nord ! Il y a non seulement le récit du théâtre dans le théâtre mais aussi celui de leur théâtre à eux, jeune troupe,  dans notre société.

Comme des marionnettistes, ils placent dans leur châtelet provisoire, les fils d’une mise en jeu en apparence complexe qu’ils vont s’amuser à tirer tout au long de la représentation. S’amuser, oui, car le grotesque et l’absurde vont s’avérer être des armes redoutables pour nous questionner et nous bousculer. On assiste alors à l’arrivée de personnages hauts en couleurs, tous plus ou moins fêlés, entre un chef de brigade qui veut un temps interdire le spectacle puis exige de jouer dedans, un acteur qui doit interpréter le loup des trois petits cochons et qui déraille en récitant du Shakespeare aux habitants hébétés du village ou encore le Broyeur, bourreau sanguinaire succulent de cynisme et d’innocence à la fois !

Tout part à volo, tout se déglingue dans cette mise en scène tourbillonnante, seul le metteur en scène de la troupe, incarné forcément par Igor Mendjisky lui-même, semble le plus normal et tente de sauver ce qu’il reste du désir de théâtre…
Ici, des écrans télé s’allument comme on regarderait des chaines infos, au fond d’un décor multiforme qui permet plusieurs espaces de jeu, au micro, en hauteur, en avant-scène…
Les fumigènes envahissent le public pour une scène surréaliste entre le Broyeur et l’une des actrices. C’est fabuleux car rien n’est prévisible, tout est concevable, on rit énormément mais on rit jaune, la légèreté d’un temps laisse place à la cruauté des situations, le verbe poétique à l’insulte la plus minable !

Igor Mendjisky et sa troupe font souffler un vent de jeunesse rebelle qui dépoussière le théâtre, qui dit son insatiable volonté de vouloir jouer, vouloir jouer fort, juste vouloir jouer et répondent quelque part à la question initiale. Allez découvrir de toute urgence cette fureur théâtrale, vous n’en sortirez pas indemnes !

 Notre crâne comme accessoire
Librement inspiré du Théâtre ambulant Chopalovitch de Lioubomir Simovitch
Création collective : Les Sans Cou
Mise en scène : Igor Mendjisky
Avec : Clément Aubert, Raphaël Charpentier, Hélène Chrysochoos, Romain Cottard, Pierre Déaux, Paul Jeanson, Eléonore Joncquez, Igor Mendjisky, Arnaud Pfeiffer et Esther Van den Driessche / Scénographie : Claire Massard et Igor Mendjisky / Lumières : Stéphane Deschamps / Musique : Raphaël Charpentier / Costumes : May Katrem / Vidéo :Yannick Donet
Jusqu’au 26 mars 2016 à 21h

Théâtre des Bouffes du Nord
37 bis, bd de La Chapelle, Paris 10ème
Métro : La Chapelle ou Gare du Nord
Réservations : 01 46 07 34 50 ou sur www.bouffesdunord.com
©Victor Tonelli/ ArtComAr

     

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