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UNDERGROUND

Le Coeur. Point névralgique.

Le métro… Un trajet… Un voyage… Qui d’entre nous ne sait jamais posé mille questions sur son existence, sur ses amours contrariés, le temps d’un trajet de métro. Qui n’a pas fait défiler sa vie, qui n’a pas sonder les tréfonds de son âme, les turpitudes de son coeur, de son for intérieur en oubliant presque parfois de descendre à la bonne station. Une femme sans âge apparent, belle, droite, port de reine, est assise sur ce siège de métro ; elle a le temps du trajet, une petite heure, pour se dévoiler devant nous. Va-t-elle oser briser la glace ? Celle de son air un tantinet guindé, celle d’une apparence quelque peu froide qui semble garder secret un mystère, une chose inavouée…

Et pourtant si, dès les premières minutes, cette femme dont ne connait pas le nom va s’adresser aux spectateurs à livre ouvert et cette froideur apparente va fondre comme neige au soleil pour faire éclater l’insoutenable légèreté de son être… D’amour déchu en amour déçu, de fourmillements intérieurs en désir brûlant libérateur, elle se cherche. Et elle va nous prendre comme témoin, comme miroir, comme partie prenante de ce qui nous concerne tous : comment être en accord avec nous-même.

La quête de soi, la quête de l’autre, l’identité sexuelle et sensorielle, la perception de son être semblent envahir comme un torrent d’émotions ce second texte de Julie R’Bibo. Les mots sont justes, percutants, subtils. L’écriture est ciselée, poétique, envoûtante et nous arrache d’un hypothétique réalisme pour nous emmener vers un onirisme universel et souvent drôle qui touche au plus profond de nos entrailles. C’est beau, très beau et c’est fort, très fort.La-Karavane-©-Letincelle-9-min-scaled
Mais la beauté et la force d’un texte comme celui-là demande une interprétation à sa mesure. Sur scène, Clémentine Bernard est tout simplement magistrale. Elle ne joue pas, elle est d’un bout à l’autre cette femme qui prend le métro. Elle lui donne une telle épaisseur de vie et d’humanité que le soupçon d’une femme glacée s’évanouit aussitôt qu’elle ouvre la bouche. Clémentine Bernard comme une sirène dont le chant nous ensorcèle, ne nous lâche pas durant près d’une heure et nous aussi, nous ne la lâchons pas car c’est bien sur le spectateur qu’elle s’appuie pour pousser son cri intérieur, c’est avec lui qu’elle partage chaque étape de sa libération.

Et puis l’actrice fait surgir à la surface, avec un immense talent, tout l’humour que le texte de Julie R’Bibo renferme. La drôlerie qu’elle amène nous éloigne de tout pathos qui pourrait alourdir le propos et nous permet de sourire de ses hésitations, de ses doutes, de ses choix… Par un jeu à la fois ancré dans le présent et à la fois décalé, elle vivifie les mots, colore les émotions, jongle avec la poésie du texte.  La-Karavane-©-Letincelle-3-min-scaled

Et si cette femme si bien incarnée semble s’envoler délicatement vers la belle découverte d’elle-même c’est grâce à la mise en scène enlevée, pointue, intelligente, imaginée par l’auteure elle-même et à sa fine direction d’acteur. Les scènes comme des moments de flashs suspendus, se succèdent subtilement avec quelques éléments simples de décor. Le bar est essentiellement symbolisé par une boule de disco avec laquelle l’actrice s’amuse et qui éclate sur les murs des parcelles de lumière scintillantes comme mille morceaux de vie qui traversent cette femme. Le rythme, à la fois soutenu et léger, embarque le spectateur et les lumières soignées finissent par envelopper l’ensemble dans une ambiance quasi cinématographique. 

Bref c’est un magnifique seul en scène que nous propose Julie R’Bibo aux Déchargeurs, une belle invitation à un voyage des profondeurs de soi, une plongée dans l’âme humaine et qui résonne comme un message universel aux multiples facettes. Cette expérience comme le voudrait l’auteure nous rassemble. Et nous ressemble. Le défi est relevé haut la main. Mais que découvre réellement cette femme ? Une chose qui a à voir certainement avec l’amour de soi, l’amour des autres, la tolérance. Il ne vous reste plus qu’a aller dévoiler le mystère vous-même, prendre le train de la vie, passer une heure dans ce wagon vertigineux pour atteindre une autre rive et descendre peut-être… à la bonne station !

Underground
Texte, mise en scène : Julie R’Bibo
Avec : Clémentine Bernard
Scénographie Fanny Laplane / Lumières : Mélisse Nugues-Schönfeld / Création sonore et musique :  Guillaume Léglise
Production Compagnie La Karavane.
Durée: 1 h 10.
À partir de 14 ans.

Du 2 au 25 janvier 2022
Dimanche, lundi et mardi à 21 h.

Les Déchargeurs – Nouvelle scène théâtrale et musicale,
(Salle Vicky Messica)
3, rue des Déchargeurs Paris 1er,
Administration : 01 42 36 00 02
Métro : Châtelet (ligne 1,4,7, 11, 14) , Châtelet-Les halles (RER A, B et D)
Réservations :  lesdechargeurs.fr

Crédit photos spectacles Jade EDEB  pour l’Etincelle, Théâtre(s) de la Ville de Rouen

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