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L’OMBRE DE LA BALEINE

Dans les profondeurs de l’âme

Après Rapport sur moi et La liste des mes envies, Mikael Chirinian présente à la Villette son troisième seul en scène, L’ombre de la baleine. Aux prémices de ce spectacle, il y a une découverte… L’acteur pensait s’attaquer au départ à l’un des mastodontes de la littérature américaine, Moby Dick d’Hermann Melville, ce qui constituait déjà un défi pour lui. Seulement voilà et c’est tout le sel de la création artistique, en plongeant dans les aventures du capitaine Achab, une sorte d’identification s’est opérée…  Et si ce capitaine luttant contre les vagues, face à sa destinée, tentant de garder la tête hors de l’eau n’était pas une métaphore de sa propre existence ? Et si ce bateau n’était pas le symbole d’une vie qui nous mène au plus profond des océans comme au plus profond de nous-mêmes ?

C’est alors que les souvenirs d’enfance reviennent à la surface et que Mikael, à travers un portrait de famille bien dessiné, va naviguer dans les eaux dangereuses de l’intime, raconter entre les lignes ce qui l’a déterminé, influencé, et parfois même abîmé… Le voilà prêt à tourner les pages d’un épopée familiale hors du commun, celle d’un père fan de western aux origines arméniennes, d’une mère juive donnant l’illusion que tout va bien et d’une sœur, adolescente écorchée, qui broie du noir et semble tirer la famille vers les profondeurs obscures de l’âme.

Et pour réussir cela, il va nous embarquer dans un voyage des plus poétiques grâce entre autres à la présence de son double, Noël, une marionnette le représentant trait pour trait et avec laquelle va s’instaurer un dialogue permanent entre l’âge adulte et l’enfance. Mais c’est surtout par un jeu puissant, incarné, volontairement corporel que Mikael Chirinian va prendre possession des membres de sa famille passant de l’un de l’autre avec une dextérité éblouissante comme dans une scène où ils « tanguent » tous sur ce bateau imaginaire.

Bien évidemment, l’histoire familiale trouve ses résonances dans l’histoire de Moby Dick qui resurgit dans le spectacle comme une vague tumultueuse, l’enfant et le capitaine Achab sont alors la même personne face à leurs monstres (le doute, la solitude, l’incompréhension..) et face au désir de connaitre leur vérité, qui ils sont et d’où ils viennent. Dans mise en scène enlevée, subtile et efficace d’Anne bouvier, cette quête de soi nous bouleverse et nous interroge. Mikael Chirinian est un formidable acteur, ne laissant aucun temps mort, sans cesse en mouvement, donnant vie à sa marionnette qui traverse les flots de l’existence et se raccroche aux bouées de la transmission familiale.

Parfois, la voix métallique et impersonnelle de sa sœur émanant d’un ordinateur portable nous rappelle à la réalité froide mais c’est bien la poésie qui ici remporte le morceau et va envelopper l’acteur dans un final d’une délicatesse et d’un onirisme poignant. C’est peut-être là que leurs chemins se séparent : tandis que Achab est englouti par les eaux, Noël, lui, à l’image d’Ismaël (le narrateur survivant de Moby Dick), se libère enfin pour devenir Mikael… L’ombre de la baleine est un seul en scène d’une grande beauté et d’une infime profondeur à ne manquer sous aucun prétexte.

L’ombre de la baleine
Très librement inspiré de Moby Dick d’Herman Melville
De et avec Mikael Chirinian
Mise en scène : Anne Bouvier / Co-auteure : Océanerosemarie / Musique : Pierre-Antoine Durant / Scénographie : Natacha Markoff / Lumières : Denis Koransky / Création marionnette : Francesca Testi / Chorégraphie : Moustapha Ziane
Du 18 Janvier AU 11 février 2017
du mardi au samedi à 20h45 et du 31 janvier au 11 février : du mardi au samedi à 20h / le dimanche à 16h

Théâtre Paris-Villette
211 avenue Jean Jaurès  Paris 19ème
Métro :  Porte de Pantin (ligne 5)
Réservations : : 01 40 03 72 23 ou resa@theatre-paris-villette.fr ou sur www.theatre-paris-villette.fr
© WIlliamK

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