« la Version Browning » © Pascal Gely

LA VERSION BROWNING

Quand les masques tombent…

La Version Browning qui se joue au Théâtre de Poche-Montparnasse est une pièce étrange et mystérieuse tout comme l’est son titre qui ne laisse rien transparaître des enjeux qu’elle met en lumière.
Et pourtant, cette pièce de Terence Rattigan, l’un des auteurs les plus populaires du théâtre anglais des années 50, écrite en 1948 au sortir de la guerre, est un une pièce-témoin. Témoin du basculement de la société anglaise qui voit arriver au pouvoir le parti travailliste lui-même porté par l’appauvrissement des classes moyennes. Les classes privilégiés, se sentant menacées se retranchent alors dans ce qu’on appelle les « public schools » et c’est dans l’une d’entre elle, la plus fameuse, que l’auteur va placer son intrigue. 

Une intrigue palpitante qui tourne autour de la chute vertigineuse, psychologique et matérielle du professeur Crocker-Harris (Jean-Pierre Bouvier), amoureux des textes grecs, et qui va entraîner avec lui sa femme Millie (Micky Sébastian), frustrée de cette situation et qui de surcroît, le trompe avec un autre professeur… Se sentant trahi de toutes parts, malade du cœur, perdant tous les privilèges que sa stature avait pu engendré, il regarde alors le monde avec une certaine distance comme s’il lévitait au-dessus de son propre corps…

Et c’est dans un décor purement « british », dans une mise en scène plutôt classique et dans une idée de coller au contexte et à l’époque, que les pantins de cette tragi-comédie vont évoluer. Jean-Pierre Bouvier est formidable dans cette subtile nonchalance qu’il imprègne à son personnage et cette ironie manifeste qu’il camoufle derrière ses lunettes. Il donne le ton à une atmosphère pesante, presque énigmatique digne d’un Agatha Christie même si, ici, c’est la carrière d’un homme qu’on assassine !

À ses côtés,  la sublime Micky Sebastian est lumineuse, parfaitement ancrée dans son rôle de femme à l’apparence idéale et qui va révéler une terrible nature, proche de la perversion et de la manipulation. L’actrice, délicieusement fatale, réussit à faire évoluer son personnage avec une extrême finesse. Thomas Sagols dans le rôle du jeune élève apporte une touche humoristique qui rend cette atmosphère plus légère par endroits.

Mais au final, dans cette photographie d’une Angleterre des privilèges en décrépitude, on a l’impression que personne n’en sort gagnant. Tous semblent pris dans leur propre piège et acceptent la fatalité. C’est un vrai régal de redécouvrir l’écriture percutante et intelligente de Terence Rattigan, parfois oublié… Et pour savoir ce qu’est cette fameuse version Browning, précipitez-vous donc aux dernières représentations au Théâtre de Poche-Montparnasse !

La  Version Browning
De Terence Rattigan
Adaptation et mise en scène : Patrice Kerbrat
Avec : Jean-Pierre BOUVIER (Andrew Crocker- Harris, Benjamin BOYER (Franck Hunter), Pauline DEVINAT (Mme Gilbert), Philippe ETESSE (Dr Frobisher), Nikola KRMINAC (Peter Gilbert), Thomas SAGOLS (John Taplow) et  Micky SÉBASTIAN (Millie Crocker Harris) Décor : Edouard LAUG / Lumière : Laurent BÉAL / Costumes : Caroline MARTEL / Assistante à la mise en scène : Pauline DEVINAT Jusqu’au 22 janvier 2017
Du mardi au samedi à 21h, dimanche à 15h

Théâtre de Poche-Montparnasse
75 bd du Montparnasse,  Paris 6ème
Métro : Montparnasse-Bienvenüe (lignes 4, 6, 12, 13)
Réservations : 01 45 44 50 21 ou sur www.theatredepoche-montparnasse.com
© Pascal Gely

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