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AVIGNON 2018 / HEDDA

C’est l’histoire d’une femme ordinaire, un peu timide, dont les mots ont du mal à sortir de sa bouche, restent au bord de ses lèvres. C’est l’histoire d’une femme qui tombe amoureuse, comme toutes les femmes, et voit en lui son prince charmant. Comme beaucoup de femmes. Et puis, un jour, tout bascule. Le prince charmant se transforme en boxeur. Première gifle, première réconciliation. Passionnée, éperdue, ultime. On prend un nouveau départ. Ca ne se reproduira plus.

C’est une histoire de violence conjugale. Une histoire de combat comme le signifie ce prénom : Hedda. En lui, le signe d’un destin. Comme pour ne pas y échapper. C’est une histoire qui est celle d’une fatalité. Si semblable à beaucoup d’autres : mêmes étapes, mêmes mécanismes, même étau qui se resserre.
On pourrait croire qu’on va voir une énième version d’un sujet maintes fois traité. La différence de cette proposition tient sans nul doute à une écriture qui ne verse jamais dans le manichéisme ; une langue vive, rythmée, poétique, sensible qui décortique la sensation, le système dans ses moindres failles jusqu’à ce que cela en devienne vertigineux.
A ce texte splendide s’ajoute une interprétation sur le fil du rasoir, d’une justesse et d’une retenue exemplaire. Léna Paugam nous prend par la main dès ses premiers mots et ne nous lâche plus jusqu’à la fin. Elle est impressionnante de fragilité, de force et de cette vie contenue qui explose dans un rire, un regard, une boutade…Cette permission qu’on se donne parfois à vivre, à être. Et ici, la comédienne ne cesse d’être. Elle est là, au présent, vivant chaque seconde comme si c’était la dernière, faisant vibrer chaque cellule de sa peau et de notre peau. La subtilité du spectacle est de laisser planer un doute sur l’identité de la narratrice qu’elle incarne, témoin de la situation. Est-ce la victime ? Une voisine ? L’enfant du couple ? Tout est possible. Cela permet la mise à distance. Aucun pathos et pourtant, l’émotion affleure.
La mise en scène, quant à elle, propose la scénographie d’un double espace : celui d’un appartement vide avec, au lointain, une ouverture sur une salle de bain, lieu d’épreuve et d’endurance au mal. Ici les fenêtres sont fermées. Dans ce confinement la narratrice saute d’un lieu mental à un autre par le jeu subtil des lumières qui introduit également une temporalité. La création sonore est tout aussi magistrale : elle suit la comédienne dans les méandres de ses personnages et de la fable ou parfois la prend à rebours, densifiant ainsi ses mots  et ses états.
Dans le tourbillon du festival d’Avignon, il est parfois de ces petits miracles de beauté, d’intelligence, d’exigence artistique qui réussissent à transcender un sujet difficile et douloureux en une œuvre véritable. Ces petits miracles nous ramènent à une humilité,  nous montrant que le chemin vers l’excellence est possible, qu’elle est synonyme d’émerveillement et d’émotion intense et non pas d’ennui comme un certain discours ambiant voudrait nous le faire croire.

HEDDA
Texte et regard extérieur : Sigrid Carré-Lecoindre
Mise en scène et interprétation : Léna Paugam
Dramaturgie : Sigrid Carré-Lecoindre, Lucas Lelièvre et Léna Paugam.
Chorégraphie : Lucas Lelièvre
Lumières : Jennifer Montesantos
Scénographie : Juliette Azémar
Crédit photo : Sylvain Boutet

Du 6 au 26 juillet à 14h45.
Durée 1h15

La Manufacture
Collectif Contemporain
2 rue des Ecoles
84000 Avignon
Réservation : 04 90 85 12 71

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