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FINIR EN BEAUTÉ

Pièce en un acte de décès…

Finir en beauté de Mohamed El Khatib est autre chose qu’un spectacle, c’est une plongée dans l’intimité profonde et troublante d’un fils qui est tout à la fois le témoin et l’acteur de la fin de vie de sa mère, atteinte d ‘un cancer. Ce fils c’est bien Mohamed El Khatib lui-même ni plus ni moins qui à l’origine avait eu l’idée d’enregistrer des entretiens avec sa mère pour questionner sa langue maternelle (l’arabe) et son possible passage à la langue théâtrale mais le décès de cette dernière va précipiter cette recherche vers un chemin plus large, celui du « que restera t’il de nous ? », de cette relation mère-fils… 

C’est alors à travers différents matériaux que Mohamed El Khatib offre une vision différente du deuil. Il y a le livre (grand prix de littérature dramatique 2016) qui ne se résume pas qu’à une trace littéraire mais expose papiers administratifs, photographies, éléments plastiques qui donnent une autre épaisseur au réel  et puis il y  a cette performance qui permet à l’auteur-acteur d’ajouter le son et l’image à la parole pour nous faire vivre ce deuil.

Il est seul sur la scène mais est-il vraiment sur une scène pourrait- on se demander ? Car comme il le précise, El Khatib travaille sur l’anti-spectaculaire. La performance commence simplement : il arrive devant nous comme un confident, un ami qui aimerait juste nous dire quelque chose. Et elle finira aussi d’une manière rarissime pour une représentation peut-être parce que, là encore, ce n’est pas une « représentation » telle qu’on l’entend au sens théâtral, c’est une présentation, un témoignage, un instant partagé avec le public, une parcelle de l’instant présent où tout peut être dit ou montré car ancré dans la sincérité et dans le vrai.

Car c’est sur un fil extrêmement ténu que marche El Khatib entre le spectre de la pudeur et celui de l’exhibition qui pourraient faire basculer la performance vers un déballage pathétique de l’intime. Et pourtant cela n’arrive jamais durant cette heure suspendue car la distance, l’ironie et l’humour veillent consciencieusement et nous éloigne de tout pathos possible. On se surprend à sourire, à rire même de situations dont le fond est pourtant loin d’être drôle mais on ne rit jamais du deuil lui-même ; on rit par exemple de l’absurdité des réactions que suscitent la perte d’un être cher ou des comportements étranges et déplacés à l’enterrement.

Rien n’est surligné, tout est en délicatesse, dans un enjeu de non-jeu ! Inutile de passer par l’expression même de la douleur ou de la tristesse pour ressentir l’amour que porte ce fils à sa mère. Chacun vit et perçoit la chose à sa manière loin de toute théâtralité. Ces « débris » de vie, comme les pièces éparpillées d’un même tableau, nous bousculent dans notre perception du deuil et nous renvoient à nous-même. Finir en beauté est un objet rare et à part d’un créateur-chercheur dont on a pas fini d’entendre parler. Ne cherchez pas de début, ne cherchez pas de fin ; il y a juste lui, nous et surtout elle…

Finir en beauté
Par le collectif Zirlib
Texte, conception et jeu :  Mohamed El Khatib
Environnement visuel  : Fred Hocké
Environnement sonore Nicolas Jorio
Proposé par le Théâtre de la Ville (saison 2016-2017 hors les murs)
www.theatredelaville-paris.com
Jusqu’au 26 novembre 2016
Du mardi au samedi  à 19h30

Le Monfort Théâtre
Parc Georges Brassens
106 rue Brancion Paris 15ème
Métro : Porte de Vanves (ligne 13)
Réservations :   01 56 08 33 88 ou sur www.lemonfort.fr
©Anthony Anciaux -Fonds Porosus

 

 

 

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