2H32 Filage- 101 copie

2H32

2h32, c’est le temps qu’il faut à Zenash Gezmu pour courir 42,195 kilomètres. Zenash est marathonienne. Elle est arrivée d’Ethiopie et son rêve est de faire le marathon de Paris. Zenash court tout le temps : avant et après son boulot ; un boulot dur, éreintant qui témoigne de sa précarité : un boulot de femme de ménage. Mais rien n’arrête Zenash. Son objectif est clair : descendre en dessous des 2h32 minutes. Alors elle court, court, court…jusqu’à croiser sur son chemin un homme, un éthiopien comme elle, qui s’improvise et s’impose manager de carrière. Un soir, après maints refus, Zenash baisse la garde et le laisse entrer chez elle. Elle mourra sous ses coups.

C’est une chose très curieuse que de sortir d’une représentation en ayant à la fois le sentiment d’avoir assister à un très beau spectacle et d’être un peu restée à côté de celui-ci.
La mise en scène de Guillaume Lecamus est incontestablement rigoureuse et très maitrisée. Très épurée dans le dispositif, elle laisse la part belle aux comédiennes-marionnettistes toutes deux très justes dans leur jeu (mention spéciale à Sabrina Manach qui parvient à dire le texte tout en courant à vive allure pendant une bonne quinzaine de minutes d’affilée : un des moments les plus forts du spectacle).
On sent l’exigence du travail, la recherche d’une forme la plus en adéquation avec le texte, quitte à risquer une hybridation des registres : que les manipulatrices soient également comédiennes et conteuses. Et c’est peut-être à cet endroit que naît une petite critique car bien qu’excellemment écrit, ce texte «dévore», «absorbe» tout, rendant quasi accessoire toute manipulation de figurine, tout dispositif scénique. Très narratif, il se suffit à lui-même et peut garder le public à distance, d’autant que ses adresses vont vers le personnage de Zenash et non pas vers les spectateurs. La manipulation des marionnettes devient par moments illustrative. En témoigne dans la deuxième partie, l’accumulation des poupées sur le castelet. Du coup, les comédiennes sont à la fois dans une action et une narration, une incarnation et une distanciation. Un vrai tour d’équilibriste qui rend l’adhésion du spectateur moins évidente par moments car fractionnée.
Cependant ce texte, bien qu’il pose quelques questions de théâtralité, a la grande qualité de nous amener à réfléchir sur la condition des femmes, tant d’un point de vue économique que social, sur des parcours de vie qui peuvent déterminer des identités où se mélangent différents statuts sociaux : on peut être femme de ménage et sportive de haut niveau. Il met aussi sur le plateau un thème peu ou jamais traité : le sport de haut niveau tout en s’ouvrant vers l’allégorie. Ce texte est tellement bien écrit, tellement surprenant, délirant et drôle (dans sa seconde partie), qu’on est embarqué dans l’histoire ; une histoire qui parle de liberté, d’émancipation, de vie, de la fidélité qu’on peut avoir vis-à-vis de ses rêves et de sa capacité à les réaliser.
Un spectacle fort à bien des égards, original dans sa structure et la démarche artistique de son metteur en scène et de son autrice. Bref, un spectacle qui ne laisse pas indifférent.
A découvrir absolument !

2H32
Texte : Gwendoline Soublin
Mise en scène : Guillaume Lecamus
Avec : Sabrina Manach, Candice Picaud
Création plastique : Norbert Choquet
Création sonore : Thomas Carpentier
Création lumière : Vincent Tudoce
Scénographie : Sevil Grégory
Crédit photo : Roland Baduel

Du 9 au 20 mars 2022.
Du mercredi au vendredi à 20h. Samedi à 18h. Dimanche à 17h. 
Durée : 1h10

LE MOUFFETARD
73, rue Mouffetard
75005 Paris
Réservation : 01 84 79 44 44
www.lemouffetard.com

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