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TOUTE MA VIE J’AI FAIT DES CHOSES QUE JE SAVAIS PAS FAIRE

C’est une voix qui déchire l’obscurité. Celle d’un homme.
Lorsque la lumière se fait, on constate qu’il est allongé au sol, son corps épousant les contours dessinés d’une silhouette, telle celle que l’on trace autour d’un cadavre pour matérialiser son emplacement. L’homme qui nous parle est donc mort. Derrière lui, un mur. A ses côtés, une chaise renversée. Que lui est-il arrivé?
L’homme nous raconte son histoire, son agression ; comment, alors qu’il était tranquillement assis dans un bar en train de siroter une bière, quelqu’un est entré et l’a agressé verbalement. Il va nous raconté sa peur, voire sa terreur, son incapacité à réagir ; sa stupeur.

Seule en scène, Juliette Plumecocq-Mech nous livre une véritable performance. Elle incarne le personnage de cet homme agressé, sans aucun pathos et avec humour. Prise par la musique du texte, son rythme est tantôt lent, tantôt rapide. Elle fait vivre cette écriture par ses respirations et ses silences. Son investissement physique tient souvent de l’équilibrisme, la mise en scène l’obligeant à se contorsionner pour mieux traduire un flashback à la manière d’un film qu’on rembobine. On est incontestablement face à une très grande comédienne qui use mais n’abuse pas de son art pour mieux servir le non-dit, l’inexprimé du texte. A la peur du personnage s’ajoute l’incompréhension, le vertige d’une vie qui bascule en quelques secondes, sa banalité, son absence d’« héroïsme » jusqu’à cette ultime seconde, celle où l’homme décide de réagir face à son agresseur. Tout est une question de choix. Fait-on le bon ou le mauvais ? Que serait-il advenu si l’homme avait choisi de subir jusqu’au bout l’agression verbale de l’autre ?
Le spectacle pose en creux la question du « destin ». Jusqu’où est-t-on maître des situations, de sa vie ? Face à la fadeur des années qui défilent dans sa tête et qu’il nous raconte, l’homme se voit contraint de prendre une ultime décision d’où surgira «l’extra-ordinaire ». Cette décision comporte cette part de risque qu’il avait alors mis de côté, préférant une vie tranquille, bien réglée et finalement sans aucune surprise. C’est alors que face à cette menace, l’homme va se sentir pleinement exister, sa logorrhée débordante n’étant pas autre chose qu’un élan vital qui s’étale. Et finalement, cette décision ultime -cette minute de vie- est une minute qui s’étire, se décompose, se recompose de façon quasi obsessionnelle ; qui avance pas à pas pour mieux se dévoiler et créer un sentiment d’urgence. Cette minute, c’est le spectacle dans son entièreté. Un instantané ausculté de façon chirurgicale.
La mise en scène, sobre et rigoureuse, nous laisse en état de choc ; dans un état d’impuissance face à une situation absurde et implacable. Le flashback n’était qu’une illusion. Il n’y aura pas de seconde chance.
Un beau spectacle, fulgurant et lumineux comme un météore.

Toute ma vie j’ai fait des choses que je savais pas faire
de Rémi de Vos
Mise en scène : Christophe Rauck
Avec Juliette Plumecocq-Mech
Son : David Geffard
Lumières : Bernard Plançon

Du 9 janvier au 4 février 2018 à 20h30
Durée : 50 min

Théâtre du Rond Point
2 bis avenue Franklin D. Roosevelt
75008 Paris
Réservation : 01 44 95 98 21
www.theatredurondpoint.fr

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