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A DEUX HEURES DU MATIN

Salariés au bord de la crise  de nerfs.

Au Théâtre de l’Atalante, la compagnie René Loyon crée la pièce de l’auteur allemand Falk Richter A deux heures du matin où il est question d’hommes et de femmes ayant tout sacrifié à leur boulot et leur entreprise.

L’un d’eux a disparu. Il n’a laissé aucune trace, même numérique. Dans cette société  hyperconnectée où tout le monde s’épie via  les réseaux sociaux, ce constat fait l’effet d’une bombe. Ses collègues s’interrogent.  Jusqu’à la panique. Cette absence, c’est le grain de sable qui vient enrailler la machine. Le système capitaliste est un ogre qui ne supporte pas le vide. Encore moins qu’on lui échappe car il a besoin de dévorer les âmes, les rêves des gens, pour vivre. Au fur et à mesure que les collègues s’interrogent sur cette disparition, se dévoile une prise de conscience de l’absurdité de cette société où l’être humain est toujours encouragé à être performant et devient une machine de guerre contre lui-même. Ce qui unit ces salariés c’est la solitude, le vide : des corps, des âmes, des destins. Une absence de liberté bien que tout, indiquerait le contraire.
Falk Richter choisit de placer ses personnages dans un temps peu écrit au théâtre : la nuit. A deux heures du matin, on ne peut être que face à soi-même. Comme le dit si bien la philosophe Anne Dufourmantelle : « Au voisinage du sommeil avec la mort, la nuit insomniaque est une maison hantée qui n’offre à ses hôtes aucun refuge ».  Alors qu’ils semblaient avoir perdu toute humanité, la nuit rend celle-ci à nos protagonistes. Car au delà de la panique et de l’angoisse qui apparaissent, la nuit les amène à un état de conscience, à cet état de vérité qui nous ramène au désir et à la vie.
C’est dans une scénographie dépouillée –cinq chaises hautes sur le plateau- et dans des lumières froides, semblables à celles de nos computers, que René Loyon a choisi de faire évoluer les personnages. Ces derniers sont campés par cinq comédiens formidables qui entrent sur scène comme on entre dans une arène, livrer combat à une partition particulièrement ardue. On retiendra la performance de Claire Barrabes dans un monologue sur la condition féminine. Paradoxalement, à décliner toutes les images auxquelles on demande aux femmes de coller, son personnage se définit et trouve au fur et à mesure son identité alors qu’il semblait n’en avoir aucune.  Le texte, fragmentaire, propose une construction dramaturgique à l’image d’un puzzle ; le sens se dévoile petit-à-petit jusqu’à la très belle scène finale, chorale, dans laquelle les comédiens, virtuoses, arrivent à nous donner le tournis et nous faire entendre, malgré la bérézina de la vie de leur personnage,  un cœur qui bat au creux de la nuit.

« A deux heures du matin » de Falk Richter
Traduction : Anne Monfort.
Mise en scène : René Loyon
Avec Claire Barrabès, Charly Breton, Moussa Kobzili, Olivia Kryger, Hugo Seksig.
Dramaturgie : Laurence Campet
Lumières : Laurent Castaingt
Crédit Photo: Nathalie Hervieux

Du 13 septembre au 13 octobre 2019
Lundis, mercredis et vendredis : 20h30
Jeudis et samedis : 19h
Dimanches à 17h sauf le 13 octobre à 16h30

Théâtre de l’Atalante
10 Place Charles Dullin
75018 Paris
Réservation : 01 46 06 11 90

https://www.theatre-latalante.com/spectacle/a-deux-heures-du-matin/

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