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LE DERNIER JOUR DU CONDAMNÉ

La vie st une phrase interrompue

Cet aphorisme de Victor Hugo pourrait presque résumer à lui seul l’un des chefs d’oeuvre d’un des plus grands écrivains du monde, Le dernier jour d’un condamné. Dans ce roman de 1829, nous pénétrons dans une cellule de prison et dans la tête d’un homme qui va nous délivrer chaque page de son journal intime, comme une autobiographie, écrite durant les vingt-quatre dernières heures de son existence. Il raconte ce qu’il a vécu depuis le verdict de son procès jusqu’au moment de son exécution, soit environ cinq semaines de sa vie. Chaque heure, chaque minute, chaque seconde passée compte et le rapproche de l’inévitable sentence. Juste avant que ne pénètrent prêtre, huissier, geôlier pour l’emmener vers cette interruption de vie… Sans préciser ni l’identité du condamné ni la nature de son crime, le livre évoque les peurs de cet homme qui se retrouve seul devant son destin et parle également de son espoir et de sa famille, de sa fille, sa femme et sa mère… Ce sont ses entrailles qu’il met en lumière, son for intérieur, sa souffrance, son amour de la liberté ou sa crainte de la mort. Victor Hugo en fait un personnage si intense, si fascinant, si aimable, si puissant par sa pensée que son incarnation sur une scène de théâtre demande à l’interprète de se transcender pour donner vie à ses mots… 

Et l’acteur qui va tenter de relever le défi, c’est Adrien Capitaine de la compagnie Les Couleurs du Vent. Sur scène, un décor simple, épuré : le condamné est allongé sur un banc, chemise blanche  et pantalon foncé ; seule une lumière chaude va l’accompagner comme une lanterne, éclairer son visage et éclabousser les murs en pierres de sa cellule. D’ailleurs, ceux de la petite salle voutée de l’Essaîon nous plongent immédiatement dans l’ambiance de la Conciergerie, la prison du roman, et qui se trouve à quelques mètres de là ! Un signe peut-être que le texte de Victor Hugo va renaitre sous de bons auspices.

Et c’est effectivement le cas car Adrien Capitaine va littéralement prendre l’espace et se revêtir de manière admirable de la peau de ce condamné à mort. D’abord en s’emparant du texte de la manière la plus respectueuse qui soit et en musclant les mots, les faisant éclore comme si chacun d’entre eux valait de l’or, qu’ils permettaient à cet homme de continuer à respirer un peu plus, à s’accrocher à son existence, à son passé. Comme si plus il nous parlait et plus il était en sursis ; ne jamais s’arrêter de parler pour ne pas mourir. L’acteur incarne à merveille cette nécessité absolue du personnage à se sauver de lui-même…

dernier jours Apcher 1Photo : Manon Flebus

Par une mise en scène simple et directe, l’acteur proche de nous, réussit à nous faire pénétrer dans son univers carcéral dés les premières minutes du spectacle. Adrien Capitaine amène au personnage une profonde humanité, une sensibilité sincère qui nous touche irrémédiablement. Son jeu est juste et percutant, sans pathos ni outrance et capte ainsi son auditoire. Pour preuve une classe de lycéens turbulents au premier abord et qui, une fois le spectacle commencé, se sont tus pour écouter religieusement Hugo à travers le talent de son interprète ! 

Extrait Le dernier jour du condamné

Et la grande force de cette interprétation, c’est de nous faire oublier complètement ce que pourrait être la nature de son crime mais de nous mettre en empathie avec cet homme qui souffre, qui a peur, qui évoque sa famille avec tendresse. Il est nous et nous somme lui ; prisonniers de nos doutes, de nos questionnements intérieurs. La mort a beau être proche, c’est la vie qui transpire à travers lui. Adrien Capitaine mène si bien sa barque d’un bout à l’autre que nous  demandons qu’à épargner cet homme qui se livre devant nous.

C’est poignant, c’est profond, c’est intimement poétique. Il ne vous reste que quelques mercredi pour aller applaudir la superbe performance d’Adrien Capitaine et de sa compagnie. Alors, pensez-y car demain vous  n’y penserez plus…  Foncez-y !

Le dernier jour du condamné
Demain, je pense que je penserais plus 
D’après Victor Hugo
Mise en scène : Elise Touchon, Adrien Capitaine
Distribution : Adrien Capitaine
Composition musicale et sonore : Jo Zeugma et Daniel Marin Borret / Arnaud Louski-Panel
Compagnie Les Couleurs du Vent
Jusqu’au 5 avril 2023  les mercredi à 21h

L’ESSAÏON
6, rue Pierre au lard (à l’angle de la rue du Renard) Paris 4ème
Métro : Hôtel de Ville (ligne 1), Rambuteau (ligne 4) ou Châtelet (lignes 1,4, 7,11,14)
Réservations : 01 42 78 46 42  / essaionreservations@gmail.com ou sur www.essaion-theatre.com

Photo : Matthieu Moerlen

 

 

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