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ÇA IRA (1) FIN DE LOUIS

« Ça ira, ça ira… »

S’il est un spectacle à ne absolument pas rater en ce moment, s’il est un spectacle conçu pour vous redonner une certaine conscience politique, s’il est un spectacle qui s’inspire avec finesse de l’air vicié des temps troubles que nous traversons, s’il est une leçon que devrait prendre bien des politiques aujourd’hui divorcés de ce qu’on appelle encore le peuple français, c’est celui là ! Ça ira (1) Fin de Louis reprend au Théâtre de Nanterre et sonne comme un manifeste citoyen sous le regard pertinent de celui qu’on ne présente plus, Joël Pommerat.

La France fictive que dessine le metteur en scène ressemble étrangement à la France juste avant la révolution. Certes, il y a un roi, Louis le bien nommé, certes c’est à Versailles que l’action débute et certes il y a des états généraux qui débouche sur une assemblée constituée de l’Eglise, la noblesse et du Tiers État mais il ne faut surtout pas s’y méprendre Ça ira (1) Fin de Louis n’est absolument pas un spectacle sur la révolution française. Ce sont les enjeux politiques et ce qu’ils engendrent qui sont au centre du débat, les prémices de ce que le peuple souhaiterait établir ; un état où tous les hommes seraient égaux en droit, une réelle démocratie en quelque sorte…

Au départ, on ne saisit pas encore tout à fait ces enjeux-là, on cherche à comprendre ce qui se trame dans l’antre du pouvoir mais surtout c’est la forme spectaculaire que prend d’emblée la mise en scène qui va brouiller les pistes. En effet, Pommerat choisit de faire de la salle du spectateur la salle du spectacle lui-même c’est à dire celle où les différentes parties engagées vont protester, poser des questions, débattre et se battre !

Des acteurs sont donc parmi nous, assis à nos côtés, déambulant parfois et réagissent à ce qui se passe sur le plateau et dès la première salve de cris et d’applaudissements, on a l’impression qu’ils sont très nombreux ! C’est diablement efficace d’autant plus que cet exercice qui rappelle les « happening » des années 60-70 n’est pas toujours très réussi au théâtre. La base étant définie comme telle, on se surprend presque en tant que public à vouloir intervenir ou applaudir inclus dans une histoire dont nous devenons témoins et complices.

Si Pommerat affirme lui-même ne pas faire un spectacle politique mais sur la politique, il n’en reste pas moins que le spectateur ne ressort pas indemne de ces 4h30 hallucinantes. Les acteurs en costumes-cravates ou en tailleurs nous renvoient irrémédiablement aux enjeux de notre société actuelle, nous poussent à nous questionner sur le fonctionnement de nos institutions, sur notre vison du pouvoir, sur la légitimité du peuple, sur sa représentativité.

Certains personnages ressemblent malicieusement  à certains de nos politiques soit physiquement avec une « Nadine Morano » plus vraie que nature ou verbalement comme la représentante du Tiers État qui a le lyrisme d’une Taubira ! Des clins d’œil se dissimulent par touche comme l’épisode de la chemise déchirée d’un noble qui évoque évidemment la chemise déchirée du DRH  d’Air France…

Les scènes s’enchaînent avec une énergie débordante dans un suspens insoutenable, comme si nos vies dépendaient de l’issue du spectacle ! Car il s’agit bien là d’une plongée dans ce qui nous détermine profondément, ce qui nous définit en tant que citoyen français, en tant qu’être humain porteur de valeurs et d’idéaux.

C’est un éclairage aussi sur la difficulté de gouverner : un thème récurrent en politique et plus que d’actualité ! L’aspect « théâtre agité et vivant » du spectacle n’occulte en rien le jeu fin des acteurs et la mise en lumières toujours extrêmement soignée de Joël Pommerat. Le metteur en scène, inspiré, crée ici un acte citoyen bien plus que militant ; un acte utile et nécessaire qui tombe au bon moment de notre histoire politique ; un acte debout pour ceux qui sont assis et qui, sans aucun doute, restera gravé dans l’histoire du théâtre…

Ça ira (1) Fin de Louis
Création théâtrale de Joël Pommerat
Avec : Saadia Bentaïeb, Agnès Berthon, Yannick Choirat, Éric Feldman, Philippe Frécon, Yvain Juillard, Anthony Moreau, Ruth Olaizola, Gérard Potier, Anne Rotger, David Sighicelli, Maxime Tshibangu, Simon Verjans, Bogdan Zamfir et d’autres force vives
Scénographie et lumières : Éric Soyer / Costumes et recherches visuelles : Isabelle Deffin/ Son : François Leymarie, Grégoire Leymarie / Dramaturgie : Marion Boudier
Du 9 au 25 septembre 2016
Du mardi au vendredi  à 19h30 / Samedi  à 18h / Dimanche à 15h30
Relâche le 20 septembre

Théâtre Nanterre-Amandiers
centre dramatique national
7 avenue Pablo-Picasso 92022 Nanterre
Métro : RER A ( Arrêt Nanterre Préfecture puis navette )
Réservations : 01 46 14 70 00 ou sur www.nanterre-amandiers.com
© Elizabeth Carecchio

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