Tous les articles par Moussa Kobzili

CAHIER D’UN RETOUR AU PAYS NATAL / REPRISE

Au bout du matin…

Cahier d’un retour au pays natal est tout simplement l’un des plus grands chefs-d’oeuvre de l’écrivain et poète Aimé Césaire. Il fait paraître la première version en 1939 à l’âge de 26 ans sur son île natale, la Martinique. 4 ans auparavant, il devient aux côtés de ses amis Léopold Sédar Senghor ou encore Léon-Gontran Damas, l’un des « inventeurs » de la Négritude. Il continuera à nourrir ce magnifique poème durant presque une décennie, dans un contexte où les empires coloniaux comme la France domine le monde et où la notion d’inégalité des races va produire entre autres les puanteurs du IIIème Reich et montrer le visage d’une Amérique raciste et ségrégationniste à l’encontre de la communauté noire… Cahier d’un retour au pays natal devient alors une arme pacifique et nécessaire pour tenter de redonner de la dignité aux peuples noirs, prendre la défense des laissés pour compte, des bannis de la société, des mis aux bancs de l’existence ; leur donner l’espoir de se tenir debout et de marcher la tête haute vers un destin plus clément. Au delà de l’homme noir, c’est de l’humain dont il est question, Aimé Césaire part de ce qu’il connait le mieux, de ses racines, de son histoire pour tendre vers un humanisme universel. Son poème est d’une langue si belle, si poignante, si profonde qu’il faut une incarnation à la hauteur pour nous le faire vivre sur un plateau… Continuer la lecture de CAHIER D’UN RETOUR AU PAYS NATAL / REPRISE

ÉLECTRE DES BAS-FONDS

Si vous n’avez jamais entendu parler d’Électre des bas-fonds de Simon Abkarian c’est que ne vous n’avez pas suivi la cérémonie des Molières de 2020, une cérémonie au goût étrange de la période ultra covidée où seuls les nommés étaient dans la salle ; ce soir-là ce spectacle a reçu le Molière du Théâtre public. Si vous n’avez jamais entendu parler de Simon Abkarian c’est que vous n’avez toujours pas suivi cette même cérémonie puisqu’il reçut aussi les Molières de l’auteur francophone vivant et celui de la mise en scène d’un spectacle de Théâtre public. Ou que vous ne l’avez jamais vu dans les nombreux films et séries où il excelle depuis des décennies après avoir été un enfant du Soleil chez Ariane Mnouchkine où il revient redonner cette salve de représentations. Il y joua les Atrides dans les années 90 ; il semblait tout naturel qu’il revint comme un écho prendre place dans ce théâtre mythique… Continuer la lecture de ÉLECTRE DES BAS-FONDS

LA FEMME QUI MARCHE

« J’ai pas choisi de naître ici mais d’être ici »

Un fil est tendu entre deux sommets de pyramides. Une femme est à un bout et va tenter de rejoindre l’autre extrémité : c’est la femme qui marche. Et entre ses deux points, elle va se questionner, questionner l’existence, prendre le fil de la vie pour tenter d’aller jusqu’au bout de ses rêves… Alexandra Seringe, comédienne, metteure en scène et auteure est seule sur le plateau du Théâtre Pixel avec son texte, son histoire, son for intérieur qu’elle va nous délivrer pas à pas durant une petite heure… Continuer la lecture de LA FEMME QUI MARCHE

ET MOI ET LE SILENCE

Nous et ce silence…

Depuis Soudain l’été dernier de Tennessee Williams, créé en 2009, la compagnie RL (René Loyon) n’avait pas monté d’auteur américain. Ou plutôt si, un peu en quelque sorte, par l’intermédiaire du festival Traduire/Transmettre proposé depuis plusieurs années au Théâtre de l’Atalante et avec lequel la compagnie RL est activement associée. Le but de cet événement : mettre à l’honneur la traduction et les traducteurs d’oeuvres théâtrales classiques méconnues ou contemporaines et s’interroger sur les problématiques de la traduction théâtrale. En 2016, ce sont les Etats-Unis qui étaient en exergue et parmi les textes choisis, celui de Naomi Wallace, Et moi et le silence, mis en lecture grâce à la brillante traduction de Dominique Hollier. Six ans se sont écoulés, durant lesquels le metteur en scène René Loyon et sa compagnie ont gardé en tête l’idée d’en faire un jour un spectacle. Les aléas dus au Covid ont repoussé la date initiale de création mais c’est désormais chose faite, la pièce a enfin pu être créée en ce début de mois au Théâtre de l’Épée de Bois. Continuer la lecture de ET MOI ET LE SILENCE

BERLIN 33

Le crépuscule de l’humanité…

Il est des spectacles qui vous prennent profondément aux tripes non seulement parce que le sujet qu’ils abordent évoque une période sombre de l’Histoire mais aussi parce que ce sujet même nous est raconté de la plus belle des manières. Berlin 33 est de ceux-là. Adapté du livre-témoignage Histoire d’un Allemand 1914-1933 de Sebastian Haffner, c’est René Loyon, l’acteur, qui défend seul sur scène ce texte magnifique en privilégiant la seconde partie, celle de l’avénement du IIIème Reich, du printemps à l’hiver 33…
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PSY CAUSE(S) LUI

« Il faut avoir du chaos en soi pour accoucher d’une étoile qui danse » 

Cette citation de Nietzsche répétée à maintes reprises dans le spectacle pourrait être le leitmotiv de la saga Psy Cause(s) que nous propose l’autrice er actrice Josiane Pinson depuis plusieurs années. La psy ou le psy sont-ils ceux qui nous aident à un tel accouchement et n’ont-ils pas eux aussi leur propre chaos à apprivoiser ? Après avoir brillamment et élégamment délivré elle-même sur scène les turpitudes et les méandres de la psyché féminine dans Psy Cause(s) 1, 2 et 3, Josiane Pinson s’intéresse à l’autre sexe. Et elle confie à l’acteur Alexis Victor le soin de mettre en chair les situations et les personnages qu’elle invoque dans le lieu sacré de toutes les confidences, de toutes les névroses et de tous les tabous : le cabinet d’un psy !  Continuer la lecture de PSY CAUSE(S) LUI

UNDERGROUND

Le Coeur. Point névralgique.

Le métro… Un trajet… Un voyage… Qui d’entre nous ne sait jamais posé mille questions sur son existence, sur ses amours contrariés, le temps d’un trajet de métro. Qui n’a pas fait défiler sa vie, qui n’a pas sonder les tréfonds de son âme, les turpitudes de son coeur, de son for intérieur en oubliant presque parfois de descendre à la bonne station. Une femme sans âge apparent, belle, droite, port de reine, est assise sur ce siège de métro ; elle a le temps du trajet, une petite heure, pour se dévoiler devant nous. Va-t-elle oser briser la glace ? Celle de son air un tantinet guindé, celle d’une apparence quelque peu froide qui semble garder secret un mystère, une chose inavouée… Continuer la lecture de UNDERGROUND

CÉLESTE

Tout un cirque !

Céleste c’est la nouvelle création de Geneviève de Kermabon. Céleste c’est « une fresque circassienne et  marionnettique » qui semble se situer à la croisée d’un cirque nouveau et du cirque traditionnel ; qui convoque les souvenirs d’une époque pour mieux traverser celle que nous vivons. Il faut dire que cela fait quelques décennies que Geneviève de Kermabon roule sa bosse tout autour du monde, dans différents cirques, dans différents théâtres. Comédienne, metteure en scène, circassienne, trapéziste, acrobate, marionnettiste, dramaturge…. elle a autant de casquettes que l’outillage d’un couteau Suisse ! Et elle a collaboré avec le plus grands : Peter Brook, Bartabas, Philippe Adrien, Savary, Georges Wilson… Continuer la lecture de CÉLESTE

50 ANS… MA NOUVELLE ADOLESCENCE !

Cherchez la femme…

Avoir 50 ans et apprendre que votre mari vous quitte pour une jeune femme qui a l’âge de votre fils, voilà de quoi vous anéantir pour le restant de vos jours ! C’est bien la nouvelle qu’apprend Fanny le personnage que campe, seule sur scène, la comédienne Martine Fontaine qu’on a pu voir au cinéma dirigée par Bernard Jeanjean, Clément Michel ou encore Maïwenn. Mais le restant de ces jours c’est beaucoup ! Alors Fanny va passer par toutes les étapes des plus douloureuses aux plus enivrantes pour tenter de se reconstruire, se chercher et peut-être se retrouver… Continuer la lecture de 50 ANS… MA NOUVELLE ADOLESCENCE !

L’ÎLE D’OR

Les possibilités d’une île

Depuis les derniers spectacles du Soleil, il s’en est passé des choses… Un certain événement qu’il est inutile de citer est venu bouleverser l’ordre des choses, a paralysé la culture, notre soif de culture et nous a privé bien malgré nous d’une immense partie de nos libertés. Et comme Il semble continuer sournoisement sa terrible trajectoire ; il était alors temps de se rendre au Soleil même la nuit pour découvrir la nouvelle création du Théâtre du Soleil et de sa directrice Ariane Mnouchkine, L’île d’or

il y a 5 ans, nous avions laissé Cornélia dans une chambre… en Inde ! La « fictionnelle » directrice de troupe française nous avait ouvert la porte de sa chambre pour laisser entrer le théâtre, tous les théâtres et l’espoir, tous les espoirs. Et bien revoilà Cornelia dans une chambre, qui cette fois-ci semble se situer au Japon, sur l’Île d’or… Mais est-elle réellement au Japon ? Est-elle malade ? Est-elle confinée ? Peu nous importe puisque du haut de son lit à roulettes, elle va nous y emmener, au Japon, grâce à son imagination et à ses projections. Une ombre noire au chapeau pointu s’incarne à ses côtés. Tiens, cette silhouette, qu’on voit aussi sur l’affiche du spectacle soulevant Cornelia, semble présager que, comme dans l’inoubliable Tambours sur la digue (s’inspirant déjà de la tradition japonaise), les acteurs seront portés et manipulés tels des marionnettes de Bunraku par ces susdites formes noires, les manipulateurs. Continuer la lecture de L’ÎLE D’OR