5 SUITE ©Xavier Bourdereau

SUITE

Deux silhouettes face à face. La lumière épouse les contours de leur corps comme une aube qui se lève doucement. On comprend qu’il s’agit d’une femme et d’un homme. Torse nus, pantalon noirs, jumeaux et pourtant dissemblables. C’est une naissance, une cellule qui se dédouble, qui dé-fusionne au rythme d’une pulsation intérieure, organique, qui traverse les corps. 

      Deux êtres se cherchent, s’affrontent, se trouvent, se séparent, se fondent. Les lumières, rasantes, chaudes, métamorphosent ces corps devenus paysages comme le vent qui soufflent dans des champs de blé, créant des ondulations et des variations infinies. Ici le mouvement est continu, répondant à un souffle, animal, transcendant.
La bande-son est urbaine, métallique presque agressive. On a l’impression de coups de marteau ininterrompus. Pourtant cette dureté est contrebalancée par une chorégraphie d’une précision formidable où la synchronie accueille l’accident, où l’on trouve le singulier dans l’identique, le décalage dans la symétrie. Il s’agit là d’une véritable partition où le raffinement ne cesse de s’accentuer au fur et à mesure qu’on avance dans la dramaturgie. Julie Coutant et Eric Fessenmeyer, tous deux chorégraphes et interprètes de cette magnifique pièce, nous font toucher à l’essence de l’art, de l’humain. Dans cet espace mental, toutes les émotions se croisent allant de l’attraction à la répulsion, en passant par la violence et la douceur. On pourrait croire que Suite est un instantané d’émotions contradictoires, mais c’est sans compter le talent de composition des deux chorégraphes et le pouvoir d’évocation des images qu’ils construisent subtilement, qu’ils lient entre elles, laissant entendre que tout ne tient que d’un seul tenant : la vie, la mort, l’amour, la haine ne sont finalement qu’une seule et même chose dans ce grand chaos. L’extraordinaire est dans la nuance ; dans le don qui confère à la transe. On est fasciné par ce mélange de grâce et de puissance, par la capacité des danseurs à se laisser traverser par la vibration, à être à ce point dans le sensible. Les images nous parviennent et s’impriment dans la mémoire comme une persistance rétinienne. Quand à la fin, le plein feu se fait et que les interprètes nous font face, ils semblent retrouver leurs esprits, comme s’ils avaient reçu un choc, ne se souvenant de rien et nous interrogeant du regard sur ce qu’il s’est passé.
Sortis de l’ombre, leur semi-nudité apparaît dans sa crudité, dépourvue d’artifices, de défenses comme des nouveau-nés. C’est un horizon qu’ils nous donnent à voir puisque dans leur yeux se dessine une question, peut-être LA question, celle qui est indiscible, informulée et informulable, celle qui est enfouie en chacun de nous et dont on cherche la réponse en vain sans même le savoir. Incandescent. Sublime.

SUITE
Chorégraphie et interprétation : Julie Coutant et Eric Fessenmeyer
Création lumière : Josué Fillonneau
Création musicale : Thomas Sillard

Durée : 22 minutes

Festival d’Avignon
Du 6 au 27 Juillet à 15h20 ( relâche les 11, 18 et 24 juillet)

Le Grenier à Sel
2 rue du rempart St Lazare
84000 Avignon
Réservation : 04 90 27 09 11

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