Roulez jeunesse…

On connait tous le célèbre ouvrage de Frank Wedekind, « l’Eveil du Printemps », publié en 1891, satire dramatique qui conte l’introspection d’adolescents confrontés aux métamorphoses de leurs sens et au monde adulte qui les attire ou les effraie. Une œuvre si riche et si juste qu’elle intéressa Sigmund Freud lui-même dans sa quête sur le actes manqués. Frank Wedekind fut même adoubé par l’illustre Bertolt Brecht qui a vu en lui « l’un des plus grands éducateurs de l’Allemagne moderne ».

Seulement voilà, comment en 2016, s’emparer du propos, faire ressurgir l’essence même de ce questionnement adolescent et le rendre contemporain ?  C’est le pari que s’est lancé la jeune auteure et metteure en scène Lysandre Mbappé entourée d’une quinzaine de comédiens formés au GCPA Paris où est donnée la pièce.

Le Giles Foreman Center for Acting de Paris est une école de formation d’acteurs qui se réclame de la « Method Acting » dans la veine de l’Actor’s Studio, en d’autres termes, qui privilégie le réalisme sur la scène comme à l’écran. Giles Foreman, d’abord acteur formé au Drama Center de Londres, devient coach et metteur en scène et fonde le GFCA de Londres en 2012.
L’an dernier, il crée ainsi la branche parisienne et confie la direction à Lysandre Mbappé.

Et c’est donc par le prisme d’un théâtre résolument « cinématographique » que Lysandre et sa bande de jeunes comédiens vont s’accaparer le sujet et réussir de manière admirable à le rendre furieusement actuel. D’abord, par une adaptation très libre et très pertinente : certaines scènes sont réécrites en y introduisant des éléments volontairement modernes comme les discussions pas sms ou par smileys ou l’évocation du milieu du show-biz et… ça marche !

Cette jeunesse décrite par Wedekind devient la jeunesse d’aujourd’hui ; leur désarroi et leur perte de repères restent universels mais le contexte choisi rappelle, lui, la situation que vivent nos ados d’aujourd’hui. Et en optant pour une configuration bi-frontale, la metteure en scène place le spectateur au coeur de l’action ; on a l’impression de vivre avec les acteurs les scènes violentes ou intimes comme les témoins voyeurs de cette déchéance juvénile. Les acteurs surgissent et traversent le plateau comme dans un travelling de cinéma ce qui donne un réel dynamisme au propos et aux situations.

Enfin, il faut le dire, le jeunes comédiens sont tous extrêmement touchants par la sincérité de leur jeu, leur engagement entier et perceptible. Ils s’habillent de leur personnage et entrent dans la danse avec fougue comme s’ils s’agissait de jouer leur propre existence. Ils parviennent à nous émouvoir, nous faire rire au détour de scènes souvent poignantes. Le destin tragique de Moritz et de Wendla n’en devient que plus intense. Un grand bravo à cette jeune troupe qui revendique son époque et aspire à la reconnaissance : ce printemps-là, ils ne l’ont pas volé !

Printemps volé
Librement adapté de « L’éveil du printemps » de Frank Wedekind
Mise en scène et adaptation : Lysandre Mbappé
Avec : Melchior Gabor, Marie Lacassin, Léo Lebesgue, Clémence Merigot, Marceau Brossard, Leonor Oberson, Guillaume Leduque, Damien Gautier, Léa Cadiou, Blandine Peroteau, Pauline Fritsch, Darcy Ruscio, Kevin Brero, Didou Mignot
Du 23 au 27 février 2016 à 19h

GCPA
Giles Foreman Center for Acting
18 rue Labat Paris 18ème
Métro : Marcadet-Poissoniers (ligne 4 ou 12)
Réservation obligatoire : info@gfcaparis.com
ou sur www.gfcaparis.com