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MOEDER (MÈRE)

La muséo-chorégraphie démente de Peeping Tom

Si vous ne connaissez pas encore la compagnie Peeping Tom, qu’on pourrait ranger dans la  catégorie de la danse-théâtre, si tenté qu’il fallait la ranger quelque part, alors vous passez à côté d’une troupe-phénomène et phénoménale ! Créée à l’aube de l’an 2000 par Gabriela Carrizo et Franck Chartier, Peeping Tom est devenue assez vite une référence dans le monde chorégraphique par la singularité de ses danseurs-performeurs et celle de l’univers étrange et instable dans lequel elle aime immerger ses spectateurs. Se réclamant de l’hyperréalisme où la figuration des lieux et des personnages ont une importance majeure, la compagnie aime découper ses créations en triptyques. Ce fut déjà le cas avec Le Jardin, Le Salon et Le Sous Sol  ; et Moeder (Mère en néerlandais) ne déroge pas à la règle en suivant Vader (Père) et sera suivi par Kinderen (enfants)

Lorsqu’on assiste à un spectacle de Peeping Tom, il faut se préparer à un voyage incroyable car de la première à la dernière seconde, ce que l’on va voir (« peeping tom » signifiant « voyeur » en anglais) et percevoir est une chose au delà de l’entendement et jamais vue ailleurs ! Les premières minutes donnent le là : dans un décor indéfini aux multiples interprétations (un studio d’enregistrement, un musée, une maison de retraite…), des scènes incongrues et surréalistes vont s’immiscer et constituer les fragments d’un monde onirique et fabuleux dans lequel tout devient possible. L’espace- temps est élastique, le décor prend vie et tout devient vibrant et vivant !

Mais c’est pourtant bien la mort, celle d’une mère, qui donne le point de départ. Comment faire son deuil ? Comment interroger la mémoire ? Au travers des portraits de famille, des portraits au sens propre comme au figuré, Peeping Tom  va décortiquer son sujet avec une drôlerie dévastatrice, un sens aigu de la démesure et une maîtrise plus que parfaite des corps et de leur chutes… Car c’est bien le propos ; comment se relever d’une perte ? Comment la mettre en écho avec la naissance d’un enfant ? Comment renaître au final ?

Les images qui nous parviennent, accompagnées parfois du texte susurré, sont tout simplement stupéfiantes : une oeuvre qu’on croyait de cire devient humaine, des tableaux prennent vie, une machine à café devient l’obscur objet du désir ! Les personnages, tous excellemment incarnés, perdent pied, se désarticulent, se bousculent les uns les autres, confrontés aux situations qui les bouleversent. On pense à David Lynch, à Pina aussi…

La richesse et la singularité des propositions chorégraphiques sont hallucinantes : lorsque une mère semblant porter un bébé se met à faire des sauts en avant, lorsqu’un couple dans une émouvante parade se cherchent en se disloquant, lorsqu’une infirmière aux bras très longs se retourne comme dans un film d’horreur japonais ; on découvre alors le niveau de performance et de travail qu’il y a derrière le décor ! Non seulement, les danseurs-acteurs imprègnent le spectacle de cette dextérité hors normes mais les tableaux qui s’enchevêtrent sont d’une scénographie éblouissante. Les lumières, la musique et le son (joué en direct), extrêmement bien pensés, enveloppe le tout avec un raffinement poétique.

Il y aurait beaucoup de choses à dire encore sur ce choc esthétique et fulgurant de Peeping Tom mais il faut simplement aller le voir pour le croire ! Il faut choisir entre le cauchemar ou le rêve ou peut-être ne pas choisir du tout ;  se laisser envahir, se laisser emporter, se laisser traverser par cette troupe extraordinaire, unique au monde, qu’on pourrait considérer, si on veut, comme une héritière du Tanzteater Wuppertal. Mais une compagnie qui a bien sa propre destinée en main et qui, nous l’espérons, enfantera encore pour notre plus grand plaisir des joyaux aussi intenses que Moeder.

Moeder (Mère)
Par la compagnie Peeping Tom
Création en partenariat avec le Théâtre de la Ville Paris
Mise en scène : Gabriela Carrizo
Aide à la mise en scène et dramaturgie :  Franck Chartier
Création et interprétation : Eurudike De Beul, Maria Carolina Vieira, Marie Gyselbrecht, Brandon Lagaert, Hun-Mok Jung, Yi-Chun Liu, Simon Versnel, Charlotte Clamens /Assistance artistique : Diane Fourdrignier / Composition sonore et arrangements : Raphaëlle Latini, Renaud Crols, Glenn Vervliet, Peeping Tom / Conception lumières : Giacomo Gorini, Amber Vandenhoeck / Costumes : Diane Fourdrignier, Kristof Van Hoorde (stage), Peeping Tom / Conception décors : Peeping Tom, Amber Vandenhoeck
Jusqu’au 28 janvier 2017 à 20h
Toutes les dates de tournée sur : www.peepingtom.be

MAC (Maisons des arts de Créteil)
Place Salvador Allende – 94000 Créteil
Métro : Créteil-Préfecture (Ligne 8), accéder au Centre Commercial par la sortie droite du metro, traverser le centre commercial, ressortir porte 25 (proche Carrefour même niveau) pour rejoindre la place S. Allende.
Réservations : 01 45 13 19 19 , sur www.maccreteil.com ou sur www.theatredelaville-paris.com
© Herman Sorgeloos

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