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MAY B

Attention chef-d’oeuvre! 

Trente–sept ans après sa création et quelques 750 représentations plus tard, le chef-d’œuvre de Maguy Marin, May B est à l’affiche du théâtre de la ville jusqu’au 12 mars. L’occasion de (re)découvrir une pièce hors du temps, d’une modernité et d’une actualité stupéfiante.

May B est sans doute une des premières pièces de théâtre dansé. Un théâtre à la grammaire des mouvements, paradoxalement, d’une richesse extrême et d’une sobriété confinant à la simplicité. De cette dualité, il ressort l’évidence du chef-d’oeuvre sur lequel le temps, les modes, n’ont aucune prise.
De ces corps argileux, peu identifiables, émanent des souffles, des cris, des onomatopées. Leurs pas rythment un espace ; tout devient musique et mouvement. La vie embrase le plateau qui, lui-même, semble se contorsionner, prendre des mesures différentes selon les déplacements des danseurs. Ici l’individu se fond dans le groupe jusqu’à ce que celui-ci devienne une entité propre et semble être une cellule composée de plusieurs particules autonomes. Un travail de chœur d’une rare précision et synchronisation.
Les corps sont montrés dans la crudité que le temps leur a donnée, dans les bassesses que peut provoquer le rapport à l’autre, dans sa tendresse également, finalement, sa beauté : ce qui constitue une humanité.  A l’absurdité de l’existence vient se greffer ces petites choses de rien qui lui donne du sens. On sent bien là que ce qui détermine le sens d’une existence est le regard qu’on pose sur l’Autre ; l’Autre comme un double de soi-même, à la fois ami et ennemi. Aux corps jubilants se substituent peu à peu les corps allant inéluctablement vers leur fin et voués, fatalement, à la solitude. C’est à cet instant que la pièce prend une dimension universelle. La répétition des situations, ponctuée par la musique entêtante et minimaliste de Gavin Bryars « Jesus blood never feld me yet » (composée à partir d’un documentaire sur les sans abris où l’un d’eux chantait cette mélodie), montre des Sisyphes empêtrés dans un destin dont ils ne peuvent se défaire. Telle est la condition humaine semble nous dire Maguy Marin. A moins que l’art n’en soit la seule échappatoire, permettant la prise de conscience de l’inéluctable et de l’absurde. Albert Camus avait écrit sur le mythe de Sisyphe. Il y voyait le héros absurde par excellence. Cependant malgré le destin du héros, Camus pensait qu’il fallait envisager Sisyphe heureux car lorsqu’il descendait la colline pour récupérer le rocher qui en était dégringolé afin de le remonter au sommet, Sisyphe pensait sa condition. Sa prise de conscience était son ultime liberté et la possibilité de se considérer comme humain. Une humanité qui, face au néant, face à l’insaisissable, n’est que misère et grandeur. Une prise de conscience que l’art -et ici May B– nous permet d’avoir.

MAY B de Maguy Marin 
Chorégraphie: Maguy Marin
Lumières: Alexandre Benetaud
Costumes: Louise Marin
Avec Ulises Alvarez, Kais Chouibi, Laura Frigato, Françoise Leick, Louise Mariotte, Cathy Polo, Agnès Potié, Rolando Rocha, Ennio Sammarco, Marcelo Sepulveda.

Du 27 février au 12 mars. 
Durée: 1h30

Théâtre de la Ville-Espace Cardin
1, Avenue Gabriel 75008 Paris
Réservation: 01 42 74 22 77

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