Le Tartuffe ODEON © Thierry Depagne

LE TARTUFFE

Pour être dévot, il n’en est pas moins drôle !

Luc Bondy nous a quitté voilà deux mois à peine et il manque déjà terriblement au monde du théâtre. Sa dernière création Othello à l’Odéon, le théâtre qu’il dirigeait jusqu’à alors, n’a pas pu voir le jour. L’Odéon présente à la place une reprise de son Tartuffe crée en 2014 avec une distribution remaniée et dirigée par Marie-Louise Bischofberger et Vincent Huguet, les collaborateurs artistiques de Luc Bondy.

Pour ceux qui auraient oublier l’histoire du Tartuffe de Molière, c’est celle d’un faux dévot ou d’un vrai usurpateur qui tel un serpent venimeux va s’introduire au sein d’une famille aisée pour en tirer le plus grand des profits… Mais s’il convainc aisément Orgon, le père de famille, qui cède à tous ses voeux et lui prédestine déjà sa jeune fille pourtant promise à Valère, il va très vite se confronter à la méfiance des autres membres de la fratrie dont Elmire la mère, son fils colérique Damis, le sage beau-frère d’Orgon, Cléante, ou encore la maligne suivante Dorine qui vont s’évertuer à démasquer le fourbe…

Dans un décor très soigné et spacieux, Bondy dépeint un famille bourgeoise de haut rang avec ses servantes dévouées et es apparentes bonnes manières… Mais dès les premières minutes,  lorsque tous se mettent à table sans prononcer un mot, on devine que chacun est dans son monde, lassé de ces habitudes forcées et que cette famille désunie n’aura aucun mal à laisser le loup « tartuffien » entrer dans la bergerie. Ce décor romanesque presque suisse-allemand (comme Bondy) et ses costumes dans un style classique-chic (Audrey Fleurot qui reprend Elmire est subliment apprêtée), pourraient présager un traitement des personnages plutôt sage.

Pourtant voilà, cette façade esthétique va vite faire entrevoir une autre lecture très originale de la pièce à travers sa dimension burlesque. L’air de rien, quasiment tous les acteurs à un moment ou à un autre de l’intrigue se mettent à exagérer leurs attitudes, à nous surprendre par un geste inattendu, décalé à souhait comme de véritables personnages de cartoon. On plonge entre comédie italienne délurée et clowneries à la Buster Keaton, c’est très étonnant ! Tous les crises, pleurs, scènes de situation comme celle où Orgon (Samuel Labarthe) se cache sous la table, deviennent purement hilarantes ! Dans cet univers aux confins de l’absurde, Chantal Neuwirth en Dorine est parfaite peut-être parce qu’elle a cette fibre comique déjà présente dans les spectacles de Ribes.
Mais si tous s’en tirent avec brio, la cerise sur la gâteau reste bel et bien Micha Lescot, le fameux Tartuffe. Sorte de grand adolescent déglingué au corps élastique et aux membres brinquebalants, il est absolument exquis et nous fait littéralement mourir de rire ! Un Gaston Lagaffe à la sauce dévote, qui l’eût cru ?!

Un parti pris osé car il est à mille lieues du cliché d’un dévot, bible à la main, austère et sombre.  Et c’est peut-être là que la bas blesse un peu car Molière écrit une tragi-comédie qui fit grincer des dents à la cour du roi pour s’être emparée de la question religieuse de manière épineuse.  On décèle moins ici l’aspect noir de l’oeuvre et du faux dévot qui se dissolvent dans la comédie.

Néanmoins, sur ce sol du décor en forme de damier, cette mise en scène excelle par plus d’un aspect et vous pouvez, sans hésiter, aller applaudir cet unique et précieuse version duTartuffe de feu Luc Bondy et commencer, avec ces formidables acteurs, une belle partie de jeu.

Le Tartuffe
De Molière
Mise en scène : Luc Bondy
Avec : Christiane Cohendy, Victoire Du Bois, Audrey Fleurot, Laurent Grévill, Nathalie Kousnetzoff, Samuel Labarthe, Yannik Landrein, Micha Lescot, Sylvain Levitte, Yasmine Nadifi, Chantal Neuwirth, Fred Ulysse, Pierre Yvon
Collaboration à la mise en scène : Marie-Louise Bischofberger Bondy / Conseiller artistique : Vincent Huguet / Assistante à la mise en scène : Sophie Lecarpentier / Scénographe : Richard Peduzzi / Assistant décor : Clémence Bezat / Costumes : Eva Dessecker / Lumières : Dominique Bruguière / Assistante : Lumières Cathy Pariselle / Maquillages/coiffures : Cécile Kretschmar

Du 28 janvier au 25 mars 2016
Du mardi au samedi à 20h / Le dimanche à 15h

Théâtre de l’Odéon – Ateliers Berthier
1 rue André Suarès / 14 boulevard Berthier,  Paris 17ème
Métro : Porte de Clichy (ligne 13)
Réservations : 01 44 85 40 40 ou sur www.theatre-odeon.eu
© Thierry Depagne

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