Le vent en poupe.

Emilie Marsh que l’on a vue ces derniers temps accompagner Dani à la guitare lors de sa dernière tournée (l’album présente d’ailleurs un duo très réussi signe de l’amitié qui lie les deux artistes) a sorti au mois de mars un nouvel album tout simplement intitulé « Emilie Marsh ». Dix morceaux aux sonorités électro-rock qui constituent un ensemble très cohérent entre ombre et lumière où les textes introspectifs vont progressivement vers un ailleurs plus universel.

Ces derniers sont d’ailleurs superbement écrits tant du point de vue textuel que du point de vue de la réalisation. Celle-ci, très dense, fourmille de trouvailles, de couches superposées de sons, et n’oublie pas la guitare, dont les sons saturés sertissent chaque morceaux comme une sorte de fil rouge tenant tout l’album.
Certains titres sont addictifs : J’embrasse la première fois qui ouvre l’opus. En affirmant cela, Emilie Marsh fait référence à l’injonction faite aux femmes de ne pas coucher au premier rendez-vous à moins d’être qualifiée de femme facile. Emilie Marsh pousse donc le curseur à l’étape précédente et, de fait,  malicieusement la provocation en affirmant le désir féminin et la possibilité pour une femme de conduire la danse.
Où vas-tu la nuit : bijou d’ambiguïté qui démarre par une voix féminine s’adressant à on ne sait qui. On pourrait imaginer que l’interlocuteur est la chanteuse mais celle-ci reprend par la suite les mêmes mots : « Que vois-Tu ? Qui vois-tu ? Où est ce que tu vas ? » On comprend petit à petit que deux femmes se partagent le même homme et qu’elles lui posent les mêmes questions. L’une (la chanteuse) semble même le suivre dans ses pérégrinations nocturnes. Le morceau installe une véritable ambiance de nuit, quelque chose de somnambulique, digne de certains morceaux d’Alain Bashung. La voix d’Emilie Marsh monte dans des aigus et se posent sur un rythme démultiplié (belle construction rythmique de Vincent Taeger) accentuant ainsi l’étrangeté du morceau. Les guitares sont saturées, les sons métalliques et « crades » pour arriver à l’irruption d’un piano, sorte de son flottant qui rappelle les clubs et les soirées qui se prolongent très loin dans la nuit comme lorsqu’on va au fond de soi-même. Le morceau à la fin se renverse : c’est l’homme qui pose la fameuse question – on l’imagine – à la femme qui le suit ou qui, elle-même, déambule dans la nuit. C’est un véritable jeu de filature, de chat et de souris. Qui suit qui ?
L’aventure : magnifique ode au feu qui anime chacun d’entre nous, ce qui nous fait vibrer et vivre. C’est une chanson qui va crescendo, qui se déploie. Elle commence par une synthé au son un peu saturé, juste une note, puis une rythmique et une cascade d’arpèges au piano qui font s’emballer le morceau comme un cheval au galop. Un morceau entêtant et terriblement efficace.
Enfin Vents violents écrit en collaboration avec Céline Ollivier, une sorte d’ode à la vie, à se sentir vivant. Un texte simple, mais diablement poétique où là encore, on va contre les courants (ici les vents) et on n’hésite pas à braver la tempête. Aux mots qui racontent la violence des éléments répond une musique douce et planante qui prend aux tripes.
La grande force de cet album est de ne jamais, au bout du compte, nous emmener là où l’on croit. Emilie Marsh joue avec les lieux communs mélodiques sans jamais y tomber. On a donc au premier abord, une impression d’un déjà entendu, d’une familiarité, qui s’efface très vite pour ouvrir d’autres sensations musicales et proposer un véritable univers, une vraie patte artistique.
Une très belle surprise qui vous prend et ne vous lâche plus.

Emilie Marsh d’Emilie Marsh.
Sorti le 29 mars 2019 sous le label FRACA !!!

Liste des titres
1. J’embrasse le premier soir
2. A ton oreille
3. Haut le cœur
4. Soleil Blanc
5. Où vas tu la nuit
6. Goodbye comédie
7. L’aventure
8. Sur les ondes ( en duo avec Dani)
9. Vents violents
10. A quoi je tiens

Dates de tournée: https://www.emiliemarsh.fr
Clip l’aventure :