2h32, c’est le temps qu’il faut à Zenash Gezmu pour courir 42,195 kilomètres. Zenash est marathonienne. Elle est arrivée d’Ethiopie et son rêve est de faire le marathon de Paris. Zenash court tout le temps : avant et après son boulot ; un boulot dur, éreintant qui témoigne de sa précarité : un boulot de femme de ménage. Mais rien n’arrête Zenash. Son objectif est clair : descendre en dessous des 2h32 minutes. Alors elle court, court, court…jusqu’à croiser sur son chemin un homme, un éthiopien comme elle, qui s’improvise et s’impose manager de carrière. Un soir, après maints refus, Zenash baisse la garde et le laisse entrer chez elle. Elle mourra sous ses coups.
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ET MOI ET LE SILENCE
Nous et ce silence…
Depuis Soudain l’été dernier de Tennessee Williams, créé en 2009, la compagnie RL (René Loyon) n’avait pas monté d’auteur américain. Ou plutôt si, un peu en quelque sorte, par l’intermédiaire du festival Traduire/Transmettre proposé depuis plusieurs années au Théâtre de l’Atalante et avec lequel la compagnie RL est activement associée. Le but de cet événement : mettre à l’honneur la traduction et les traducteurs d’oeuvres théâtrales classiques méconnues ou contemporaines et s’interroger sur les problématiques de la traduction théâtrale. En 2016, ce sont les Etats-Unis qui étaient en exergue et parmi les textes choisis, celui de Naomi Wallace, Et moi et le silence, mis en lecture grâce à la brillante traduction de Dominique Hollier. Six ans se sont écoulés, durant lesquels le metteur en scène René Loyon et sa compagnie ont gardé en tête l’idée d’en faire un jour un spectacle. Les aléas dus au Covid ont repoussé la date initiale de création mais c’est désormais chose faite, la pièce a enfin pu être créée en ce début de mois au Théâtre de l’Épée de Bois. Continuer la lecture de ET MOI ET LE SILENCE
KIDS
ENFANTS DE LA GUERRE.
Cela se passe pendant la guerre Serbo-Croate dans les années 90 à Sarajevo. Huit enfants, orphelins, tentent de survivre dans la ville en ruine. Organisant leur petite communauté, ils recréent une salle de classe dans laquelle ils continuent d’apprendre et concoctent un spectacle de rue, objet de tous leurs espoirs d’être sauvés. Continuer la lecture de KIDS
BERLIN 33
Le crépuscule de l’humanité…
Il est des spectacles qui vous prennent profondément aux tripes non seulement parce que le sujet qu’ils abordent évoque une période sombre de l’Histoire mais aussi parce que ce sujet même nous est raconté de la plus belle des manières. Berlin 33 est de ceux-là. Adapté du livre-témoignage Histoire d’un Allemand 1914-1933 de Sebastian Haffner, c’est René Loyon, l’acteur, qui défend seul sur scène ce texte magnifique en privilégiant la seconde partie, celle de l’avénement du IIIème Reich, du printemps à l’hiver 33…
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PSY CAUSE(S) LUI
« Il faut avoir du chaos en soi pour accoucher d’une étoile qui danse »
Cette citation de Nietzsche répétée à maintes reprises dans le spectacle pourrait être le leitmotiv de la saga Psy Cause(s) que nous propose l’autrice er actrice Josiane Pinson depuis plusieurs années. La psy ou le psy sont-ils ceux qui nous aident à un tel accouchement et n’ont-ils pas eux aussi leur propre chaos à apprivoiser ? Après avoir brillamment et élégamment délivré elle-même sur scène les turpitudes et les méandres de la psyché féminine dans Psy Cause(s) 1, 2 et 3, Josiane Pinson s’intéresse à l’autre sexe. Et elle confie à l’acteur Alexis Victor le soin de mettre en chair les situations et les personnages qu’elle invoque dans le lieu sacré de toutes les confidences, de toutes les névroses et de tous les tabous : le cabinet d’un psy ! Continuer la lecture de PSY CAUSE(S) LUI
UNDERGROUND
Le Coeur. Point névralgique.
Le métro… Un trajet… Un voyage… Qui d’entre nous ne sait jamais posé mille questions sur son existence, sur ses amours contrariés, le temps d’un trajet de métro. Qui n’a pas fait défiler sa vie, qui n’a pas sonder les tréfonds de son âme, les turpitudes de son coeur, de son for intérieur en oubliant presque parfois de descendre à la bonne station. Une femme sans âge apparent, belle, droite, port de reine, est assise sur ce siège de métro ; elle a le temps du trajet, une petite heure, pour se dévoiler devant nous. Va-t-elle oser briser la glace ? Celle de son air un tantinet guindé, celle d’une apparence quelque peu froide qui semble garder secret un mystère, une chose inavouée… Continuer la lecture de UNDERGROUND
CÉLESTE
Tout un cirque !
Céleste c’est la nouvelle création de Geneviève de Kermabon. Céleste c’est « une fresque circassienne et marionnettique » qui semble se situer à la croisée d’un cirque nouveau et du cirque traditionnel ; qui convoque les souvenirs d’une époque pour mieux traverser celle que nous vivons. Il faut dire que cela fait quelques décennies que Geneviève de Kermabon roule sa bosse tout autour du monde, dans différents cirques, dans différents théâtres. Comédienne, metteure en scène, circassienne, trapéziste, acrobate, marionnettiste, dramaturge…. elle a autant de casquettes que l’outillage d’un couteau Suisse ! Et elle a collaboré avec le plus grands : Peter Brook, Bartabas, Philippe Adrien, Savary, Georges Wilson… Continuer la lecture de CÉLESTE
50 ANS… MA NOUVELLE ADOLESCENCE !
Cherchez la femme…
Avoir 50 ans et apprendre que votre mari vous quitte pour une jeune femme qui a l’âge de votre fils, voilà de quoi vous anéantir pour le restant de vos jours ! C’est bien la nouvelle qu’apprend Fanny le personnage que campe, seule sur scène, la comédienne Martine Fontaine qu’on a pu voir au cinéma dirigée par Bernard Jeanjean, Clément Michel ou encore Maïwenn. Mais le restant de ces jours c’est beaucoup ! Alors Fanny va passer par toutes les étapes des plus douloureuses aux plus enivrantes pour tenter de se reconstruire, se chercher et peut-être se retrouver… Continuer la lecture de 50 ANS… MA NOUVELLE ADOLESCENCE !
L’ÎLE D’OR
Les possibilités d’une île
Depuis les derniers spectacles du Soleil, il s’en est passé des choses… Un certain événement qu’il est inutile de citer est venu bouleverser l’ordre des choses, a paralysé la culture, notre soif de culture et nous a privé bien malgré nous d’une immense partie de nos libertés. Et comme Il semble continuer sournoisement sa terrible trajectoire ; il était alors temps de se rendre au Soleil même la nuit pour découvrir la nouvelle création du Théâtre du Soleil et de sa directrice Ariane Mnouchkine, L’île d’or…
il y a 5 ans, nous avions laissé Cornélia dans une chambre… en Inde ! La « fictionnelle » directrice de troupe française nous avait ouvert la porte de sa chambre pour laisser entrer le théâtre, tous les théâtres et l’espoir, tous les espoirs. Et bien revoilà Cornelia dans une chambre, qui cette fois-ci semble se situer au Japon, sur l’Île d’or… Mais est-elle réellement au Japon ? Est-elle malade ? Est-elle confinée ? Peu nous importe puisque du haut de son lit à roulettes, elle va nous y emmener, au Japon, grâce à son imagination et à ses projections. Une ombre noire au chapeau pointu s’incarne à ses côtés. Tiens, cette silhouette, qu’on voit aussi sur l’affiche du spectacle soulevant Cornelia, semble présager que, comme dans l’inoubliable Tambours sur la digue (s’inspirant déjà de la tradition japonaise), les acteurs seront portés et manipulés tels des marionnettes de Bunraku par ces susdites formes noires, les manipulateurs. Continuer la lecture de L’ÎLE D’OR
EMMANUELLE BAYAMACK-TAM À L’ ABORDAGE DE L’ AMOUR
Prenez Le Triomphe de l’amour de Marivaux, secouez-le un peu, voire retournez-le et vous obtiendrez quelque chose qui ressemble à Arcadie, le dernier roman d’Emmanuelle Bayamack-Tam (prix des lycéens 2020 et prix Livre Inter). Une figure inversée qui n’a pas échappée à Clément Poirée, metteur en scène emblématique et directeur du Théâtre de la Tempête. Il demande alors à l’autrice de partir à l’abordage du texte de Marivaux. Arcadie se termine par ses mots : « L’amour existe ». C’est presque par cette affirmation en étendard, que Sasha, jeune fille enamourée, va forcer la porte de cette demeure cachée et semer le trouble dans une communauté fermée à toute notion d’amour… Dans une scénographie bien sentie en quadri-frontale et dans une mise en scène enlevée et tourbillonnante, les acteurs, tous convaincants, et leurs personnages vont nous embarquer dans une jouissive succession de quiproquos et de retournements de situations. La réécriture d’Emmanuelle Bayamack-Tam est d’une intelligence folle, ne trahissant jamais l’oeuvre originale mais lui insufflant cette vague de désir et de liberté absolus et cette dose d’humour caustique qu’on retrouve dans la plupart de ses romans. Pour en savoir plus sur cette première immersion très réussie de l’auteure dans l’univers théâtral, Le Coryphée l’a rencontrée…
Pouvez-vous nous raconter l’origine du projet ? Comment est née l’idée d’adapter la pièce de Marivaux en passant par le regard de la romancière que vous êtes ?
E.B-T : C’est le directeur du Théâtre de la Tempête, Clément Poirée qui a eu cette drôle d’idée : me suggérer une réécriture du « Triomphe de l’amour » de Marivaux. Il avait lu et aimé l’un de mes romans, « Arcadie », et il voyait une symétrie entre les deux œuvres. Chez Marivaux, une petite communauté s’est organisée autour du philosophe Hermocrate. Celui-ci refuse l’amour et la mixité, sources de troubles et de tensions selon lui. Dans « Arcadie », c’est l’inverse : il y a communauté aussi, mais fondée sur l’amour libre.
Comment décririez-vous cette expérience de théâtre ? Et plus précisément comment s’est déroulé le travail au plateau avec les comédiens ?
E.B-T : Il s’agit d’une des expériences les plus heureuses et les plus enrichissantes de ma vie d’autrice ! J’ai écrit (pendant le confinement) une première version du texte. Ensuite, j’ai assisté aux auditions puis à une première session de répétitions. Comme je trouvais les comédiens formidablement talentueux et inventifs, j’ai commencé a réécrire mon texte : je voulais leur donner plus de grain à moudre ! Sans compter que j’incorporais parfois à ce texte certaines de leurs improvisations. Si j’avais continué comme ça, la pièce durerait dix heures : il a fallu que je jugule mon enthousiasme.
Dans votre processus d’écriture et d’adaptation, comment avez-vous réussi à mêler l’univers de d’Arcadie et celui des personnages du Triomphe de l’amour ?
E.B-T : J’ai l’habitude de mêler des citations d’autres auteurs à ma propre prose. Là, j’ai suivi Marivaux pas a pas, conservant certaines répliques ou certaines formules marivaldiennes. À ce premier « hypotexte », j’en ai superposé un deuxième, à savoir « Arcadie », que j’ai finalement traité comme s’il s’agissait du livre d’un autre. Le personnage d’Arlequin dans ma pièce réalise très bien la fusion des deux œuvres : à la fois il est un Arlequin classique par sa roublardise, et à la fois il rappelle Daniel, un personnage d’ « Arcadie ». C’est d’ailleurs dans « Arcadie » qu’Hanna Sjödin est allée chercher l’un des costumes de scène d’Arlequin.
Était-ce bien là pour vous une première écriture théâtrale ? Cette expérience vous donne-t’elle l’envie de poursuivre sur ce chemin ? Enfin y a t’il un nouveau roman en perspective ?
E.B-T : C’est la première fois que j’écris vraiment pour la scène mais j’avais envie depuis très longtemps de déglinguer la machine matrimoniale de la comédie classique. J’espère bien poursuivre, oui… J’ai recommencé à écrire un roman, qui n’est pas sans rapport avec « Arcadie », d’ailleurs : je n’en ai pas fini avec les utopies, les communautés, les personnages qui se pensent investis d’une mission (comme Sasha, cela dit !).
À l’abordage !
Texte : Emmanuelle Bayamack-Tam
D’après Le Triomphe de l’amour de Marivaux
Mise en scène : Clément Poirée
Avec : Bruno Blairet, Sandy Boizard, François Chary, Joseph Fourez, Louise Grinberg, Elsa Guedj, David Guez / Scénographie : Erwan Creff / Lumières : Guillaume Tesson / Costumes : Hanna Sjödin
Régie générale : Silouane Kohler
Jusqu’au 18 octobre 2020
du mardi au samedi 20h, le dimanche à 16h
www.la-tempete.fr
Théâtre de la Tempête
Salle Serreau
Cartoucherie, Route du champ de manoeuvre Paris 12ème
Métro : Château de Vincennes (terminus Ligne 1) -Floral en tête de puis bus 112 ou navette Cartoucherie
Réservations : 01 43 28 36 36 ou sur la-tempete.notre-billetterie.fr
Parutions :
Sous le nom d’Emmanuelle Bayamack-Tam :
6P. 4A. 2A., nouvelles, éditions Contre-pied, 1994
Rai-de-cœur, P.O.L., 1996
Tout ce qui brille, P.O.L., 1997
Pauvres morts, P.O.L., 2000
Hymen, P.O.L., 2002,
Le Triomphe, P.O.L., 2005
Une fille du feu, P.O.L., 2008
La Princesse de., P.O.L., 2010
Mon père m’a donné un mari, théâtre, P.O.L., 2013
Si tout n’a pas péri avec mon innocence, P.O.L., 2013, Prix Alexandre-Vialatte
Je viens, P.O.L., 2015
Arcadie, P.O.L, Folio, 2018, Prix du Livre Inter 2019, Prix des Lycéens, sélection 2020-2021
Sous le pseudonyme de Rebecca Lighieri :
Husbands, P.O.L., 2013
Les Garçons de l’été, P.O.L., 2017
Eden, Medium+, 2019
Il est des hommes qui se perdront toujours, P.O.L., 2020
Crédit Photo : Pauline Rousseau