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NOS CORPS EMPOISONNÉS

A la Manufacture d’Avignon, se joue encore pour deux représentations un spectacle fort et nécessaire : Nos corps empoisonnés. Marine Bachelot Nguyen qui signe la mise en scène et le texte nous raconte le parcours de Tran To Nga, activiste vietnamienne engagée sa vie durant dans de nombreux combats, notamment féministes, anti-impérialistes et écologiques.

La pièce commence sur un procès qui a lieu en France, celui que Tran To Nga mène contre les firmes agro-alimentaires américaines responsables pendant la guerre du Vietnam de la mise au point et de l’épandage massif de l’agent orange, un herbicide ultra-puissant, capable de tuer toute végétation, arbres compris. Le projet américain, à l’époque, était d’éradiquer la jungle vietnamienne afin de débusquer les résistants vietnamiens qui s’y cachaient. L’armée américaine a déversé plus de quarante-huit millions de litres de ce poison sur la forêt vietnamienne.  On estime que plus de quatre millions de vietnamiens ont été contaminés. Cette opération fut également une catastrophe sans précédent pour l’écosystème : la forêt fut dévastée ; quant aux habitants, ils développèrent des maladies extrêmement graves et les femmes enfantèrent des enfants malades, malformés et ce, sur plusieurs générations. Tran To Nga reçut une dose de cet herbicide lorsqu’elle était résistante.

Avec, à l’appui des documents d’archives, des témoignages (dont celui de Tran To Nga), Marine Bachelot Nguyen, développe de façon méticuleuse et pédagogique le fil de cette tragédie et l’injustice qui en résulte : les coupables sévissent encore et restent impunis. Les mots sont précis, loin de tout sensationnalisme et de tout pathos. On est happé par cette histoire qui se pose à la fois comme un film à suspens et comme un documentaire.  Angelica-Kiyomi Tisseyre Sékiné incarne avec délicatesse et détermination Tran To Nga. L’Histoire ( La guerre du Vietnam) nous est racontée du point de vue vietnamien. C’est suffisamment rare pour ne pas être souligné alors que nous avons été abreuvés de films US sur le sujet. La pièce entrelace deux temporalités : celle du souvenir et celle du présent. L’histoire individuelle se mêle à la grande histoire. On voit très précisément les répercutions actuelles de ce qu’on peut qualifier de premier écocide. Mais ce que dénoncent ces faits va bien au-delà de cette tragédie : un système généralisé, toujours en place, de domination et de mise au pas du vivant par quelques « sans foi ni loi », adeptes d’un capitalisme libéral effréné. Un système mortifère. Nos corps empoisonnés met en lumière les voix étouffées, pose une regard neuf sur une guerre dont on avait bien souvent la vision d’un seul des deux camps. On sort ébranlé de la représentation. C’est beau et puissant. Indispensable. A voir absolument.

Julia Bianchi.

Nos corps empoisonnés.
Texte et mise en scène : Marine Bachelot Nguyen.
Avec : Angelica- Kiyomi Tisseyre Sékiné
Avec la participation de Tran To Nga
Scénographie et vidéo : Julie Pareau
Lumière et régie : Alice Gill-Kahn
Crédit photo: Hélène Harder.

Du 7 au 24 juillet à 16h10.
Durée : 1h20

La Manufacture
2, rue des Ecoles
84000 Avignon
Réservation : lamanufacture.org

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