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SEULS

Compter les étoiles

On le sait depuis plusieurs mois, c’est le metteur en scène et dramaturge Wajdi Mouawad qui est devenu le nouveau directeur du Théâtre de la Colline. Sa présentation de saison avait donné le ton d’une programmation enlevée, dépoussiérée, audacieuse. Et quoi de plus naturel que de commencer la saison avec un spectacle qui montrerait mieux que toute chose qui est Wajdi Mouawad, quel sens il donne à son théâtre et à quelles questions il nous soumet…

Et pour cela, il choisit de présenter Seuls, une mise à nu vertigineuse pour le metteur en scène qui se livre lui-même sur le plateau, jonglant entre fiction et autobiographie, entre un théâtre qui lui est proche et une prise de risque artistique. Il s’éloigne de son lyrisme habituel pour une écriture  du quotidien mais conserve cet extraordinaire talent scénographique pour nous conter son histoire.

Car c’est bien Wajdi Mouawad, maître de la narration, qui s’avance en caleçon devant nous et nous remercie d’être là pour entendre ce qu’il a à nous dire. Puis Wajdi devient Harwan, 35 ans, québécois d’origine libanaise, qui prépare une thèse sur Robert Lepage, cherche désespérément sa conclusion tout en naviguant entre le poids familial, un père déraciné qui ne cesse de le contredire, sa petite amie qui l’a quitté et une mise en doute de ses certitudes.

Car oui Harwan se retrouve seul, dans sa chambre, cherchant à combler le vide et son seul ami est le téléphone, vaisseau vers l’extérieur, porteur des plus ou moins bonnes nouvelles. Mais des fantômes, ses doubles, son être démultiplié (images holographiques sur le mur)  l’accompagnent dans sa solitude comme les pièces d’un puzzle dont on ne distingue pas encore l’image finale. lls errent autour de lui et ils sont  « seuls » eux aussi.

Dans un décor au prime abord minimaliste (un mur de fond avec une fenêtre-vidéo et un lit) mais qui va s’avérer bien vite multiforme et ingénieux, Wajdi Mouawad suspend le temps et nous questionne à travers son personnage sur le sens de l’existence : ne sommes nous pas en train de passer à côté de nos vies, de nos rêves d’enfants, de nos aspirations ? Et tout cela avec un humour déconcertant proche même parfois du one man show tant Mouawad semble à l’aise dans cet exercice.

Mais il ne faut pas s’y tromper ou plutôt si trompons-nous car les pistes sont délibérément brouillées par le metteur en scène qui nous amène sur une voie dont on ne connaîtra l’issue que vers la fin ; une fin spectaculaire et inattendue, un basculement total mais logique car il libère Harwan de tous ses tourments…

Seuls
est une ode à la vie, un manifeste sur les sens et l’essence de nos êtres, entre rire et larmes, entre abstraction et réalité, un voyage initiatique d’une telle force, d’une telle humanité qu’il est impossible d’en sortir indemne. Mouawad parle de l’intérieur avec tant de sincérité, tant de générosité, tant de dévouement. Il est comme son héros à la fin, et comme il le dit lui même, un « oiseau polyphonique », libéré, multicolore qui plane au-dessus de nos têtes.
Et à la tête de la Colline, il n’y a pas de doute, c’est bien le retour réussi du fils prodigue !

Seuls
Texte, mise en scène : Wajdi Mouawad
Avec : Wajdi Mouawad
Dramaturgie, écriture de thèse : Charlotte Farcet / Conseiller artistique : François Ismert / Scénographie : Emmanuel Clolus / Lumières : Eric Champoux / Costumes :Isabelle Larivière / Réalisation sonore : Michel Maurer / Musique originale : Michael Jon Fink / Réalisation vidéo : Dominique Daviet
Jusqu’au 9 octobre 2016
Du mercredi au samedi à 20h30 / Mardi à 19h30 / Dimanche à 15h30

Théâtre de La Colline
Salle : Grand Théâtre
15, rue Malte-Brun, Paris 20e
Métro : Gambette (ligne 3 et 3 bis)
Réservations : 01 44 62 52 52 ou www.colline.fr
Crédit Photo : © Thibaut Baron

 

 

 

 

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