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LA DOUBLE INCONSTANCE / RENÉ LOYON

René Loyon en maître du sentiment amoureux

René Loyon, acteur de temps à autres, ancien co-animateur du Théâtre Populaire de Lorraine, ancien directeur du CDN de Franche Comté et aujourd’hui formidable metteur en scène de la compagnie RL monte pour la deuxième fois La double inconstance de Marivaux. Comme à chacune de ses mises en scène qu’il s’agisse de Molière, de Sarraute, d’Homère ou de Vinaver, il réussit avec élégance à nous faire entendre et comprendre chaque mot et chaque situation de ce grand classique. Sylvia et Arlequin croient s’aimer mais cet amour naissant va se trouver contrarié par les manipulations du Prince (amoureux de Sylvia) et de ses alliés. Dans un décor feutré propice à la confidence, toute la subtilité de la mise en scène de René Loyon et la justesse des acteurs vont excellemment mettre en lumière les enjeux de l’intrigue. Le Coryphée a rencontré René Loyon, histoire d’en savoir plus sur cette dernière création et sur l’Atelier RL, un collectif unique en son genre qui réunit quotidiennement des comédiens professionnels. 

Pourquoi avoir choisi de remonter La double inconstance, une pièce que vous aviez déjà mis en scène en 2003 ? Effectivement en 2003, je l’ai monté avec un grand plaisir mais avec un sentiment d’ insatisfaction. D’une part, le décor était une erreur sur une idée que je pensais excellente au départ. Nous avions imaginé une forêt pour évoquer le thème culture / nature mais en réalité ça se passe dans un endroit fermé, dans des salons de conversation. Comme le décor  avait été construit longtemps en amont, c’était trop tard ! Et d’autre part, il y avait la compréhension du texte, c’était la première fois que je montais du Marivaux, j’en voyais les difficultés essentielles mais ce n’était pas aussi clair que dix ans plus tard. Cette oeuvre m’intéresse car c’est une pièce du jeune Marivaux, d’une grande complexité et d’une grande force ; un drôle de mélange entre cette dimension burlesque héritée de la commedia dell’arte (Marivaux créait ses pièces pour la comédie italienne de retour en France) et cette écriture très réaliste. En gardant l’esprit de personnages marqués comme Arlequin, comparable aujourd’hui à certains paysans français, on a choisi d’avoir par exemple des costumes plus contemporains qui ne renvoient à aucune époque précise. En passant par le contemporain, le rapport au texte en est changé, on recherche du coup dans le jeu tout ce qui a une résonance immédiate.

Justement, qu’est-ce qui résonne encore aujourd’hui dans son oeuvre et comment le traduire sur le plateau ? En particulier, pour quel nouveau décor avez-vous opté ? Marivaux pose la question essentielle : qu’est ce que c’est l’amour ? Il traite de cette question du sentiment amoureux dans ce qu’il a d’insaisissable. C’est ce que Marivaux appelle la surprise de l’amour ! Cette chose qui vous tombe dessus sans en être maître. Des êtres au comportement normal se sentent investis d’une énergie nouvelle qui perturbe tous les compartiments de leur vie ; c’est ce qui amuse Marivaux. De plus, « La double inconstance », c’est l’éternelle et universelle histoire du prince et de la bergère avec une vision réaliste des choses. Comme la loi de ce royaume imaginaire interdit la violence physique, le Prince avec l’aide de Flaminia prend en charge la manipulation avec une extrême finesse en jouant sur ce que les êtres humains attendent de jouissance ainsi Sylvia blessée par son orgueil vis à vis des femmes de la cour et Arlequin attiré par la bonne chaire que lui propose Trivelin. C’est le commencement du changement et de la manipulation qu’il faut montrer le plus clairement possible. Marivaux montre deux êtres naturellement voués à se marier entre voisins et personnes de même condition sociale ; c’est encore le cas aujourd’hui et c’est pourquoi la fable du prince et de la bergère perdure ! Il y a ici une façon amusée des personnages de regarder leurs congénères, le jeu de la séduction suppose des ruses. Nous avons voulu jouer les situations au plus près du texte, être à la hauteur de ce que j’appelle le sentiment amoureux dans tous ses états. Côté décor, on a opté pour des banquettes rouges le long du mur comme dans une salle d’attente ; c’est indirectement inspiré du peintre Liotard et de ses voyages à Istanbul. Ça donne ce sentiment de luxe du palais et d’un lieu clos, d’un enfermement. Le rouge peut représenter le théâtre ; c’est la couleur de la sensualité et de la violence aussi.

Pouvez-vous nous parler de l’Atelier RL et de son fonctionnement ? L’idée est née d’un stage AFDAS sur Tchekhov qui s’est très bien passé et on a continué à se voir avec les comédiens dans notre lieu de travail qui est un outil formidable. Puis d’autres acteurs d’autres stages (dont l’un sur Marivaux justement !) nous ont rejoints et nous avons décidé de créer une association. Le groupe n’a cessé de grandir par cooptation et notre mode de fonctionnement perdure ! Notre salle de répétition est mise à disposition tous les matins pour des ateliers et une réunion mensuelle. Je suis un produit de la décentralisation et je me retrouvais dans les spectacles de troupe permanente comme dans celle de Roger Planchon. Le collectif est pour moi une nourriture essentielle et l’humanité qui en dégage m’intéresse sur un plan artistique car le théâtre est l’art qui met le plus en scène les êtres humains. On en est conduit à s’intéresser à la question du vivre ensemble, faire coexister des personnes aux âges et aux parcours différents. Ça nous maintient vivants.

La Double Inconstance
De Marivaux
Mise en scène : René Loyon
Avec : Cléo Ayasse-Sénia (Lisette), Jacques Brücher (Trivelin), François Cognard (Un Seigneur), Marie Delmarès (Flaminia), Augustin Passard (Le Prince), Hugo Seksig (Arlequin), Natacha Steck (Silvia) / Dramaturgie : Laurence Campet /  Décor : Nicolas Sire / Costumes : Nathalie Martella / Lumières : Laurent Castaingt
Du 30 novembre au 24 décembre 2016
Du mardi au samedi à 20h30 / Samedi et dimanche à 16h00
www.compagnierl.com

Théâtre de l’Épée de Bois
Cartoucherie – Route du Champ de Manœuvre  Paris 12ème
Métro : Ligne 1 (Château de Vincennes) puis prendre bus 112, (arrêt Cartoucherie) ou la navette Cartoucherie
Réservations :   01 48 08 39 74 ou sur www.epeedebois.com
Crédit Photo : Nathalie Hervieux

Et aussi au Théâtre de l’Épée de Bois en coproduction avec la Compagnie RL : Iliade / Brisée de Laurence Campet et Orestis Kalampalikis, du 30 novembre au 18 décembre 2016
Détails : www.epeedebois.com

 

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