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À QUAND LA MER ?

Le syndrome Nana Mouskouri

Il est parfois d’agréables découvertes au théâtre surtout lorsqu’elle est double ; celle de découvrir à la fois un texte, une écriture et une jeune troupe, La Compagnie Pour Le Dire créée en février 2016 par l’auteur et le metteur en scène de la pièce, Manuel Durand. À quand la mer ? est un texte qui nous immerge dans une famille presque typique de la fin des années 70 et qui mêle avec finesse la poésie et le quotidien, la réalité et la fiction, le passé et le présent.
Car ici le récit permet à certains membres de cette famille d’ouvrir toutes les portes, tous les possibles de l’imaginaire pour nous raconter leurs failles, leurs drames, leurs regrets et de s’interroger aussi sur la place à occuper au sein de cette fratrie dont le temps semble éroder les liens alors que tout allait si bien dans cette voiture qui les menait à la mer…

Et l’une des grandes réussites de la mise en scène ou pourrait-on dire de la mise en espace de Manuel Durand est de nous plonger d’emblée dans un espace-temps fragmenté où l’écriture va guider la scénographie et forcer à la création d’un langage visuel. À partir de là, tout devient possible pour les acteurs et on découvre une famille affalée sur un canapé devant leur téléviseur regardant une interview de Nana Mouskouri qui soudainement va apparaître dans les gradins des spectateurs comme par enchantement ! Car elle surgit comme une évocation, le fantasme de la mère, fan absolue ; comme un fil rouge du spectacle auquel la mère va se raccrocher désespérément. Idem pour le fils, très touchant dans la recherche d’un père qu’il n’a jamais connu et qui l’invoque à ses côtés sous la forme d’un cow-boy-masqué !

Une fois cette liberté de plateau comprise et admise, on se laisse alors émerveillés par les scènes qui se succèdent habilement comme celles dans la voiture où quelques chaises et des costumes d’époque délicieusement soignés suffisent à recréer une atmosphère avant de basculer vers un monde plus surréaliste. Dans ce monde-là, le canapé devient un bateau pneumatique, comme pour tenter d’accéder inconsciemment vers cette mer inatteignable, ou une hôtesse d’aéroport hilarante à l’accent québécois se met à dormir debout entre chaque prise de parole !

À travers ses capsules de vie poétiques et colorées, l’important n’est plus alors de distinguer le réel du fantasme mais de devenir les témoins d’un cri intérieur, celui d’une famille qui se déchire ; de deviner le drame d’une mère qui s’égare, le désarroi d’un fils, les frustrations puis l’émancipation des deux jeunes filles ou encore l’effacement d’un beau-père qui ne voit rien venir. D’ailleurs les comédiens sont tous bons et par le truchement du costume et surtout par leur jeu juste, habité, ils sont quasiment méconnaissables au moment du salut !

 À quand la mer ? est un beau spectacle d’une troupe prometteuse car hormis le fait qu’il ravira les nostalgiques d’une certaine époque (ou de Nana Mouskouri !) par son esthétisme parfait, il brise le miroir de l’illusion pour laisser entrevoir la souvent dure réalité de la vie. Un voyage sensible et fantastique à découvrir très vite au Théâtre de l’Opprimé.

À quand la mer ?
Texte et mise en scène : Manuel Durand
Avec :  Flore Grimaud, Eric Verdin, Stéphane Aubry, Manuel Durand, Elisa Benizio, Emilie Cazenave et Lucie Brunet
Assistant mise en scène : Sylvain GAGNIER / Création Lumière : Camille Pawlotski / Création sonore : Vincent Musch

FESTIVAL OFF D’AVIGNON
Du 7 au 30 juillet 2017 à 21h05. Relâches les 10,17 et 24 juillet.

NINON THEATRE
5 rue Ninon Vallin
84000 Avignon
Réservation: 04 84 51 05 22

 

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